Pardon, oui, mais à qui, pourquoi, comment ?

7 minutes

J’ai demandé pardon à mon petit frère.

Je ne sais pas s’il me pardonnera pour tout ce que je lui ai fait subir de manière inconsciente, mais je l’ai fait. J’ai demandé pardon. C’était nécessaire.

Ces derniers temps je réfléchis beaucoup aux interactions que j’ai eues avec les personnes avec lesquelles je me suis brouillée pour une raison ou pour une autre. Quelle est ma part de responsabilité, mais surtout à quel point je suis prête à laisser cette responsabilité m’affecter.

Je me suis rendue compte une fois de plus que je ne suis pas parfaite. Je fais des erreurs, je blesse des gens, je claque la porte au nez, je fais mal. Très souvent inconsciemment. Dans une position d’auto-protection, j’oublie le monde autour de moi et ne mesure pas l’ampleur des retombées de mes actions. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai une facilité à demander pardon. Pas pour passer l’éponge sans y penser, mais parce que je sais que malgré la douleur que je peux ressentir suite aux actions de la personne en face, moi aussi je peux lui avoir fait mal. Très mal.

Je souhaite revenir sur la question du poids de la culpabilité que je suis prête à porter une fois que j’ai pris conscience de ma part de responsabilité après une brouille, une fois que j’ai demandé pardon. La réponse est je ne suis prête à porter aucun poids. Mais alors aucun. Mon absolution vient du fait que je reconnaisse mon erreur et que je demande pardon. Un pardon sincère. La réception de ce pardon de la personne en face n’est pas de mon ressort, et je ne peux me flageller pour quelque chose que je ne peux contrôler.

Cette réalisation vient d’une seule chose : je me suis mise à la place de la personne qui reçoit des excuses. Aujourd’hui j’en ai reçues. Il n’y a pas une heure, sous la forme d’une tablette de chocolat noir. Le geste m’a surpris étant donné que la mésentente remonte à il y a plus de 8 mois, et que la personne et moi entretenons des relations cordiales. Aucune animosité, de la politesse. Alors j’ai reçu une tablette de chocolat.

J’aurais pu penser que l’issue de la chose est entre mes mains, comme j’ai pensé qu’elle était entre celles de mon frère. Mais non. La personne a fait sa part. Elle a voulu effacer ce froid entre nous et a fait le geste qu’il fallait. Elle n’a pas à se ronger les sangs en se demandant si je la rejoindrai au milieu du terrain. Elle devrait être en paix parce qu’elle a fait sa part. La décision de la rejoindre au milieu du terrain dépend d’une seule chose, une chose sur laquelle elle n’a aucun contrôle. Ce que je veux pour moi. Est-ce que je veux que nos relations soient comme avant ? Est-ce que je veux maintenir ce froid ? Est-ce que je veux fumer le calumet de la paix tout en la maintenant à distance ? Ça ne dépend pas d’elle, mais de moi. De ce que je veux pour moi. Elle a fait sa part, à moi de faire la mienne.

Je conçois les relations comme ceci : deux personnes sont assises l’une face à l’autre, et un miroir à double face les sépare. Chacune voit son reflet et ce qui se passe derrière elle. Elle ne sait rien de ce que voit l’autre, elle ne sait même pas que l’autre ne la voit pas. Tout ce qu’elle sait, c’est que l’autre est là. Chacune de ces personnes considère ce qui se passe selon le reflet dans son miroir à elle, reflet que l’autre ne voit pas. Et chacune tire des conclusions pensant que la personne en face voit la même chose qu’elle.

Mon petit frère et moi avons vécu la même histoire, mais nous l’avons comprise et intégrée selon des reflets différents. Ceux dans nos miroirs respectifs. Il  a été aussi blessé que je l’ai été, sauf que chacun a considéré l’autre comme à l’origine de son mal.

Est-ce que je crains que mon frère me raye définitivement de sa vie ?

Non.

Pourquoi ?

Pour la simple raison qu’il doit faire ce qu’il pense être bon pour lui. Si après toute la peine ressentie il estime qu’être loin de moi est ce qui lui convient le mieux, sa décision sera respectée. Comme j’aurais aimé que toute personne à qui je ferme la porte de mon existence respecte ma décision. Il restera mon frère, qu’il soit près ou qu’il soit loin. Le reste n’est que circonstances.

Par contre j’ai appris de notre dernier échange.

La chose la plus difficile à faire est de parler ouvertement de ce qu’on ressent, de la manière dont on vit certaines situations à un membre de sa famille. Les relations avec les amis et les amoureux sont nettement moins collet monté. Il est difficile de dire « J’ai ma part de responsabilité, je demande pardon. », ou «Je t’ai fait mal, je n’en étais pas consciente. » à un membre de sa famille. Pourtant on le dit aux amoureux. Souvent. Très souvent. Trop souvent. Est-ce parce que notre inconscient les place au-dessus des membres de notre famille ? Est-ce parce que la pudeur qui régit les liens familiaux est oppressante au point où on préfère tout laisser s’écrouler comme je l’ai fait ces dernières années plutôt que de dire « Asseyons-nous, parlons, réglons le différend qui nous sépare, mettons tout à plat et acceptons nos parts de responsabilités » ?

Je ne sais pas.

Je ne vais pas m’attarder sur cette réflexion, je vais me focaliser sur l’essentiel. Apprendre à dire aux membres de ma famille ce que je ressens pour eux. Ne pas me limiter à chanter leurs louanges une fois passée la porte qui sépare le cocon familial du monde extérieur. Être aussi vraie avec eux que je le suis dans mes écrits, surtout lorsqu’il s’agit de ce que je ressens pour eux ou de ce que je me reproche vis à vis d’eux. Ne pas adopter leur manière de communiquer une fois en face d’eux (je vous l’ai dit, je ne suis pas issue d’une famille très démonstrative), mais adapter la mienne à l’environnement de manière à pouvoir m’exprimer sans faire sursauter qui que ce soit. D’ailleurs, un sursaut n’a jamais fait de mal à personne.

Ce n’est pas un chemin facile. Je ne suis pas forcément la personne la plus démonstrative au monde, mais c’est un besoin que j’ai. Je ressens le besoin d’assainir l’espace dans lequel évoluent mes relations familiales. Je ressens le besoin de ne plus m’imposer selon mes points de vue, mais plutôt de prendre chacun comme il est dans sa différence. Nous avons peut-être tous vécu plus ou moins longtemps sous le même toit, mais nous n’avons pas assimilé les événements vécus de la même façon. Rappelez-vous du miroir. Bien que liés, à un moment donné chacun  d’entre nous a pris sa direction, et chacun a fait face à ses propres obstacles qui ont participé à faire de lui qui il est.

Cela doit être accepté plutôt que rejeté. Cela doit être compris plutôt qu’analysé sous le prisme de ma réalité personnelle.

PS : vous remarquerez que comme c’est le cas sur Medium, vous pouvez surligner et commenter une portion de texte si vous la sélectionnez. Ne vous privez-pas !

5 comments
  1. C’est un peu la même démarche que j’essaie d’entreprendre dans toutes mes relations avec les autres actuellement… Et ça me permet de me libérer l’esprit, ou la conscience par rapport à un certain nombre de choses …

    1. C’est vraiment libérateur. La rancœur et la culpabilité sont des poids trop lourds à porter, surtout quand ils n’ont pas lieu d’être.

  2. Oui …. l’importance de la famille j’en oublie des fois
    Et ne pense qu’à ma personne ou a ceux extérieur a ma famille (amie ou amis)…hummm

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *