Bourreau, victime et justicier

6 minutes

Je me regarde et je ne vois qu’une loque, l’ombre de moi-même.

Je n’ai rien crée cette année. En 2018 j’ai créé le blog, en 2019 j’ai créé le podcast, et en 2020 Tchonté et moi avons créé l’atelier d’écriture. 2021. Rien. Vous me direz que le blog et le podcast ont été créés respectivement en novembre et décembre et que nous ne sommes qu’au mois d’août que ça ne changerait absolument rien pour moi. Ces idées ont germé dans mon esprit et se sont imposées à moi bien avant. Alors ma réponse serait nous sommes au mois d’août et c’est le désert tant en termes de réflexion que d’action.


Steven Pressfield a dit ceci dans son livre The War of Art: Break Through the Blocks and Win Your Creative Battles : “ Most of us have 2 lives. The life we live and the unlived life within us. Between the two stands Resistance.” J’ai conscience d’avoir toujours vécu ces 2 vies, mais il y a quelques années encore la vie à laquelle j’aspirais me semblait certes grandiose mais restait atteignable, et la vie que je menais me satisfaisait pleinement. Aujourd’hui la vie à laquelle j’aspire ne semble se révéler à moi que par bribes, comme si j’essayais d’entrevoir à travers un lourd rideau et que le vent sournois qui se jouait de ma triste curiosité le faisait bouger de temps à autre et afin que je n’en voie que des bribes sans grande cohérence, et la vie que je mène semble tellement lourde à porter que depuis quelque temps je ressens physiquement les parties de mon corps lâcher l’une après l’autre.

Certains ont réussi à me convaincre un moment que tout ceci n’était que normal, j’avais vécu de nombreux changements en peu de temps, la naissance de mon petit humain, mon installation dans ma vie de parent et puis, en janvier, mon nouveau boulot dans lequel je ne suis pas encore pleinement installée car je continue de batailler avec la réalité selon laquelle j’ai des patrons qui dictent mes actions au quotidien.

J’ai aimé croire à cette version car elle me dédouanait. Je n’étais pas fautive, j’étais nettement plus objet que sujet dans toute cette situation. La malhonnêteté est belle durant son temps de vie, vie que la vérité finit toujours par écourter d’une manière ou d’une autre. Bien que j’essaie de l’enfouir au quotidien, cette vérité reste tenace et me crie dans les oreilles de l’intérieur.

Tout ceci est ma faute.

Je ne fais pas ce qu’il faut.

Je me regarde et je me fais pitié. Avez-vous déjà eu pitié de vous-mêmes ? C’est une sensation étrange, comme un dédoublement de personnalité : je me regarde faire et en même temps je ris en secouant la tête. « Le cas de cette meuf est désespéré, elle a besoin d’une intervention ! » Mais qui interviendra dans une situation ou la réalité n’est visible et comprise que pour et par la personne en souffrance ?

Personne ne viendra me sauver et je dois l’accepter. Je suis bourreau, victime et justicier. Quelle est la marche à suivre ?


Mon être est profondément changé. Le burnout en 2017-2018 a eu de grandes conséquences, et je ne mesure la gravité de certaines qu’aujourd’hui. Je porte en moi une grande lassitude. Mon être est profondément changé, j’ai l’impression de bouger et d’avancer au ralenti. Ma torture vient du fait que ma soif n’a pas suivi le mouvement : elle est restée grande et brûlante et elle me consume.

J’ai soif de mieux, j’ai soif de plus et, la langue pendante, je me retourne et regarde derrière moi ce corps et cette nouvelle personnalité/donne incapables de me fournir ce dont j’ai besoin. Si seulement ma soif pouvait s’aligner et adopter la lenteur de mes mouvements et de mon corps. Mais ce salut ne serait-il pas trop simple ?


Ce que je veux ?

Je ne saurais le mettre en mots. Le langage n’est venu que tard dans l’évolution du cerveau humain et donc de sa capacité à réfléchir. C’est la raison pour laquelle nous ne savons souvent comment exprimer nos pensées les plus profondes et que, lorsque nous y arrivons, les mots à disposition semblent parfois limités, incapables de véhiculer clairement notre message. Très bien savoir ce que l’on veut dire, mais être incapable de le faire malgré la possibilité de parler et la maitrise d’une langue de communication.

Comme je le disais donc, je ne saurais vous dire clairement ce que je veux. Ce que je sais en tout cas est que je ne suis pas là où je devrais être en termes de capacités, de facultés, de connaissances et d’aptitudes. Ma grande soif a un besoin viscéral que j’y remédie, mais le brouillard dans lequel évoluent mon corps et mes aptitudes actuelles ne peuvent la satisfaire. Et moi je suis là, entre les 2, incapable de tendre la main d’un côté ou de l’autre.

Alors je change de réalité, je me noie dans les livres de fictions. Moi qui suis avide du partage de mes lectures je n’en parle pas car le sentiment de culpabilité est trop grand. Et fuir la réalité ne la modifie pas. Ce comportement n’offre qu’un sursis, un arrêt de ma vérité personnelle alors que le monde continue de se mouvoir et que l’écart entre moi et les événements autour se creuse plus encore.


Ce texte n’a pas de fin pour la simple raison que la situation dans laquelle je me trouve n’est pas arrivée à son terme. Je pourrais user de mes mots pour lui créer une fin fictive, mais à quoi bon ? Un mensonge qui s’ajouterait au chapelet de dénis, de reculs et de fuite en avant… ou devrais-je dire en arrière ?

Photo : Cottonbro


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