Responsable : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie !

11 minutes

Il n’y a aucune limite à la responsabilité.

Je suis responsable de chaque fait dans ma vie.

Si je n’ai aucun contrôle sur les événements, je reste toutefois responsable de mon attitude face à la situation. De ma capacité à l’alléger ou l’empirer.

Lorsque j’ai partagé mes réflexions autour de la première partie du livre de Frankl Man’s Search for Meaning intitulée Experiences in a Concentration Camp, j’ai mentionné qu’au fur et à mesure de la lecture, je me suis rendue compte que le questionnement encouragé par la logothérapie, courant de psychothérapie théorisé par Frankl, est au cœur même de mon style de vie. Je vous épargnerai tout le bla bla scientifique. S’il vous intéresse vraiment, lisez le livre (je l’ai envoyé par mail aux abonnés du site) ou faites des recherches : Google est notre ami à tous.

Je me focaliserai ici sur un des points fondamentaux de la logothérapie : je ne suis ni prédéterminée, ni finalisée ; je suis libre d’être responsable, et responsable parce que je suis libre. Je ne suis le fruit de rien d’autre que ce que je fais de moi-même, je suis seule responsable de la manière dont ma vie se déroule, que la situation soit chaotique ou idyllique.

Lorsque j’ai écrit sur ma manière de vivre le minimalisme, j’ai dit que mon salon était vide parce que je n’avais pas besoin de cette pièce dans mon appartement. Il y a quelques jours j’ai décidé d’avoir un salon et je l’ai dit sur Instagram. Une personne m’a envoyé un message privé dans lequel elle m’a dit « J’adore la décomplexion avec laquelle tu changes d’avis. Ça doit être libérateur. » En effet ça l’est. Pourquoi ? Parce que je me donne ce droit. Le droit d’être responsable de moi, de ne laisser aucun facteur extérieur me dicter qui je dois être. C’est en ce sens que Frankl se démarque de Freud qui pense que la recherche du plaisir (très souvent sexuel) explique la majorité de nos actes, et d’Adler, qui pense que c’est plutôt la recherche du pouvoir qui explique nos actes.

Nous sommes le fruit de notre environnement.

Je n’ai absolument aucun doute à ce sujet. Tout comme je n’ai aucun doute sur le fait que je ne suis pas prisonnière de mon environnement. J’en suis le fruit, très souvent de manière inconsciente. Je suis la somme de cicatrices laissées par mon éducation, mes fréquentations, mes choix, mes activités professionnelles, les films regardés, les livres lus, les milieux dans lesquels j’évolue… J’agis inconsciemment, guidée par tout ceci.

Par contre, j’ai la liberté de questionner chaque élément de cet environnement et de m’affranchir lorsque je prends conscience de l’effet qu’il a sur moi, si je juge cet effet négatif, ou de perpétuer cet effet en refusant de m’affranchir. En bref ? Il ne tient qu’à moi de décider de l’attitude à tenir face à une situation qui ne m’arrange pas. Je m’autorise à être le seul capitaine à bord, à quitter le quai si je le trouve moins lumineux et à larguer les amarres où je veux, à changer d’avis si le besoin se fait ressentir.

  • Le vide existentiel, l’importance du passé

Dans la seconde partie de son livre intitulée Logotherapy in a Nutshell, Frankl parle très souvent du vide existentiel. Il dit à ce sujet « No instinct tells [human] what he has to do, and no tradition tells him what he oughts to do; sometimes, he does not even know what he wishes to do. Instead, he either wishes to do what other people do (conformism) or he does what other people wish him to do (totalitarianism). »

Je l’ai dit dans l’article Se foutre du monde et avancer en chantant, je n’ai commencé à prendre des décisions dans ma propre vie que très tard. Je faisais ce que les autres pensaient être bien pour moi. Je me suis retrouvée en école de traduction parce que ma mère l’a exigé. Dire que je n’aime pas la traduction serait mentir. Par contre je ne suis pas certaine que ça aurait été mon premier choix. A la base, je voulais lire, écrire, et être coiffeuse. Les domaines semblent être très éloignés, mais c’est ce que je voulais. Sauf que coiffeuse était un sot métier au yeux du monde. Je n’aurais jamais eu le courage d’affronter le regard des autres, qui m’auraient considérée comme une moins que rien. Totalitarianism.

Frankl s’attarde également sur la manière dont nous percevons le passé. Nous le regrettons, que ce soit de manière positive ou négative. Nous avons pitié des vieux parce qu’ils n’ont plus d’avenir. Nous nous attelons à oublier notre passé, à nous distancer autant que faire se peut de qui nous étions hier. Le passé est passé, et nous ne sommes aujourd’hui responsables que de ce qui se passera demain. Faux. Double faux. Triple faux.

Je me suis rendue compte au fil de ma lecture que bien que je sois reconnaissante d’avoir eu le passé que j’ai, je m’en distance. Je ne reconnais que celle que je suis aujourd’hui. Celle d’hier est certes à l’origine de la version actuelle de Befoune, mais elle lui reste inférieure. Tout comme le sont inconsciemment tous ceux rattachés à ce passé.

Cette citation du livre a profondément résonné en moi. Rien de mon passé n’est perdu. Rien de mon passé n’est vain. Au contraire. La mémoire de stockage est pleine de richesses. Chaque année de ma vie représente toute une vie. J’aurais pu mourir chaque jour que je n’aurais rien perdu, rien loupé. Chaque étape a été pleine de joies, de peines et d’enseignements. Cette tendance à se dire que tout est dans le futur nous fait perdre notre responsabilité face à notre passé. Nous oublions de le chérir, de le glorifier. Nous crachons sur nos erreurs, oubliant que c’est grâce à elles que nous sommes ici aujourd’hui, et que sans elle, nous ne serions pas qui nous sommes. Une personne âgée n’a pas tout perdu. Au contraire, elle a un grand avantage sur nous. Elle a tout vécu et connait la fin de son film. Quelle est la fin du nôtre ?

Au cours de ma réflexion à ce sujet, j’ai noté dans mon carnet de lecture Instead of possibilities, my past is full of realities.

  • La recherche du bonheur

Selon Frankl, le bonheur ne se cherche pas. Il n’est pas une action, il est un résultat. Au lieu de chercher à être heureux, ce qui est totalement impossible, il serait préférable de chercher des raisons d’être heureux. Un sens. Que sommes-nous prêts à faire qui aurait du sens pour nous ? Frankl pense qu’il y a trois manières de trouver un sens à sa vie : 1) by creating a work or doing a deed (se rendre utile aux autres par son action) ; 2) by experiencing something or encountering someone (prendre par exemple conscience de la beauté des éléments qui nous entourent ou rencontrer une personne qu’on aime profondément, un enfant, une femme, un homme… et qui nous donne une raison ou la force de nous accrocher à la vie, ) ; 3) by the attitude we take toward unavoidable suffering (trouver un sens à sa souffrance).

Il ne fait aucun doute que mon bonheur dépend de la création de quelque chose d’utile. Si je ne suis pas utile, je n’existe pas. Je ne suis pas heureuse. Je me perds. Je me noie. Je meurs de l’intérieur. Raison pour laquelle ma séparation d’Elle Citoyenne a failli se conclure en auto-mutilation. Digressions est aujourd’hui mon phare. Je ne me contente pas d’être, de respirer, de manger, de gagner de l’argent. Je fais quelque chose qui a un sens pour moi et une utilité pour les autres. Je partage mon expérience de vie, j’apprends pour informer, je mets en lumière des contenus peu valorisés sous nos cieux, et pourtant cruciaux. Je vous parle de Frankl et de logothérapie, et j’apprends à me connaitre à travers mes propres écrits.

J’ai regardé Bird Box il y a quelque temps. Je ne l’aurais pas considéré de la même manière si je n’avais pas lu Frankl et sa conception selon laquelle une personne autre que soi peut donner un sens à une vie. Je comprends peu les sentiments et ce qu’ils sont prêts à nous faire faire. J’ai compris ce que l’auteur entendait par s’accrocher à la vie par amour pour un ou des êtres chers, la force qu’un enfant peut insuffler à son parent. j’ai également compris pourquoi le père de Clark Kent (Superman) a préféré mourir plutôt que laisser son fils dévoiler son pouvoir au monde. Je n’en dirai pas plus sur le film. Regardez-le et dites-moi en commentaire ou par mail (mesdigressions@gmail.com) ce que vous en pensez sous cet angle.

Revenons à la question de la responsabilité. Les points relevés par Frankl mettent la responsabilité de chacun au cœur de son bonheur. Agir pour le bien commun. Aimer et se dévouer. Trouver un sens à sa souffrance et l’assumer. Ces actions ne peuvent être entreprises que si on se fait sujet et non objet de sa propre vie. Je suis aux commandes de mon bonheur parce que je décide de l’action que j’entreprends et dont le résultat me rend heureuse. L’action citoyenne me rend heureuse. Ecrire me rend heureuse. Alors je n’attends pas qu’on me demande de le faire pour me lancer. Je le fais, j’en récolte les fruits, et je suis heureuse.

  • La souffrance n’est pas une tare

Je terminerai par ce point. La souffrance n’est pas une tare. Le monde autour de nous nous fait croire qu’il faut être heureux partout et tout le temps. C’est impossible. Et c’est malsain. Oui, je le dis, être heureux en tout temps en malsain. En quoi seriez-vous utiles si tout était parfait et que tout le monde était heureux ? Auriez-vous fait le bonheur de vos parents s’ils n’avaient pas ressenti la nécessité d’avoir un enfant, ce déséquilibre auquel vous avez mis fin ? Auriez-vous fait le bonheur de votre amoureux s’il n’avait nullement besoin ou envie de vous avoir à ses côtés ? Sauriez-vous ce que c’est qu’être heureux si vous n’aviez jamais été malheureux ? Connaitriez-vous la valeur d’un sourire, d’un éclat de rire, si vous n’aviez jamais pleuré ?

Souffrir tout comme être malheureux est parfaitement normal. De souffrances sont nées de belles choses. De contractions sont nés des bébés. Ne laissons pas photoshop et les réseaux sociaux nous tromper : nous avons tous notre part de souffrance, quels que soient les sourires postés sur internet. Sans souffrance, nous ne chercherions pas à évoluer, à avancer, à être de meilleures versions de nous mêmes. Sans ma dépression je n’aurais jamais recommencé à écrire, et vous ne seriez pas entrain de lire ce texte.

Souffrir n’est pas une tare. Au contraire. La possibilité de souffrir et la capacité à ressentir la souffrance est une richesse. Tout dépend de ce que l’on décide d’en faire. Tout dépend de la responsabilité qu’on décide d’avoir face à sa propre situation.

Je ne serai pas plus longue, sinon je radoterai. Le livre de Frankl est un de ceux qui ont marqué mon année 2018, mais aussi qui ont profondément changé ma compréhension de la vie et son utilité dans leur ensemble. J’espère que ceux qui le liront en tireront de grands enseignements.


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