Ma vérité : je n’y serais pas arrivée sans vous

9 minutes

J’ai publié l’article La couleur de la vérité il y a 2 jours.

Je l’ai écrit il y a 3 jours.

Comme je l’ai dit sur Instagram, ce texte a été l’un des plus simples à écrire, mais l’un des plus difficiles à publier. Je ne demande jamais d’avis avant publication, mais cette fois je l’ai fait. La question était Le texte est-il trop trash ? La vérité est que je l’aurais publié même si je n’avais eu que des Oui, il est trop trash. J’en ai eu. Il est préférable qu’une grossesse soit protégée.

Je suis entièrement d’accord avec cette réaction, mais. Oui, mais. Cette grossesse fait partie de ma réalité et ne peut être occultée. Beaucoup de choses ont changé depuis, et le principe ici est de parler de moi. Comment je fais pour y arriver sans parler de l’événement le plus… que dire ? Le plus… le plus bizarre de ma vie ?

J’avais besoin d’être rassurée. Je ne me sens pas souvent vulnérable. J’ai écrit sur des épisodes de dépression plus intimes que jamais. Mais cette fois c’était différent. C’était encore plus différent du fait que je ne parlais pas que de moi. Ce texte parle de trois personnes. Moi certes, mais aussi un enfant et son père. Je n’ai aucun mal à m’exposer, mais lorsqu’il s’agit de parler d’autres personnes, je me dis toujours qu’elles ne sont peut-être pas aussi ouvertes que moi et n’ont donc pas à souffrir de mes envies de partage.

La maternité est un sujet délicat. J’ai toujours dit que je ne voulais pas d’enfant, je n’ai jamais dit pourquoi. C’est à dessein. J’en parlerai certainement dans un prochain article. La maternité est une relation particulière avec un être qui est en partie soi-même. Comment l’aborder sans heurter, sans blesser, sans faire mal ? La question me reste encore. Mais je devrais bien dépasser tout ceci, car je serai bien obligée de parler de ma (pas «la») maternité, étant donné que j’aurai, que j’ai un enfant. Il est peut-être incomplet pour le moment, mais il existe déjà.

Comme je le disais au départ, ça fait 3 jours que j’ai écrit le texte La couleur de la vérité.

Je m’attendais à des réactions négatives. Honnêtement. Il y a beaucoup d’a priori sur la maternité. Une mère doit aimer son enfant. Une grossesse est un don du ciel et doit se passer dans l’allégresse. Quasiment tous les articles sur la maternité parlent de bundle of joy ou de bébé d’amour. Ils rappellent à quel point la femme est heureuse de savoir à ce stade de la grossesse que son foetus a la taille de ci ou de ça. Ils ne tiennent pas compte des grossesses traumatisantes car, selon la croyance populaire, elles n’existent pas. Nous sommes des exceptions. Je suis une exception.

Pourtant ce n’est pas le cas.

Les réactions que j’ai eues suite à cet article m’ont montré que je ne perds pas la tête, que ma situation peut être comprise, et que partager sa vérité, aussi décalée qu’elle puisse être, n’est pas un crime. J’aurais pu les partager ici, mais je ne le ferai pas. Quasiment tous ceux qui ont réagi l’ont fait en inbox sur Instagram. Vous avez tout de même deux réactions à la suite de l’article, celles d’Uriel et Malick. Elle vous donneront le ton des réactions dont je parle. Le sujet était peut-être bien trop personnel pour en débattre sur la place publique. Mais ça n’a pas d’importance. L’important est ce que chacun de ces mots m’a apporté.

La sérénité.

Je tiens à remercier chaque personne qui m’a écrit suite à ce texte. Absolument chacune d’entre elle. Je n’ai pas été agressée. Je n’ai pas été félicitée. J’ai été comprise. J’ai été respectée. J’ai été épaulée. Je n’avais pas besoin de plus que ça. En réalité je ne savais même pas que j’en avais besoin jusqu’à ce que je reçoive ces messages.

Merci à vous. Merci à toi.

Des choses ont changé depuis la rédaction de ce texte. Drastiquement. Une paix intérieure s’est installée, et ses origines sont claires : le courage d’affronter la vérité et de la dire, mais aussi la manière dont cette vérité a été reçue. Je suis en paix. La situation n’est pas différente. Je reste enceinte et effrayée, mais j’ai accepté ma peur et mon rejet. Pleinement.

Avec la peur et le rejet, j’ai également accepté toutes ces choses qui me faisaient horreur : vomissements à en avoir mal au cerveau, baisses d’énergie parfois au niveau zéro, nausée permanente, dégoût de tout ce qui est parfumé, dégoût de tout ce qui se mange si ce n’est l’okok (ma sœur cuisine ce truc tous les dimanches pour que je puisse me nourrir en semaine !) et des haricots, mais aussi changement de mes habitudes.

Je ne fais plus de sport. Vous savez ce que le fitness représente dans ma vie, et ne plus pouvoir en faire a été un coup très, très dur. Non seulement je n’ai plus d’énergie pour en faire, mais en plus j’ai une grossesse à risque (j’en parlerai certainement dans un article), alors je préfère éviter toute chose qui mettrait le petit humain en danger. C’est paradoxal n’est ce pas ? Je le pense aussi. Malgré mon refus et mon rejet, j’ai instinctivement dressé la liste de tout ce qu’il ne faut pas manger ou faire qui mettrait en danger le petit humain. Je me suis demandée pourquoi, et je n’ai pas trouvé de réponse autre que je ne veux pas lui faire de mal. Il n’a rien demandé. Absolument rien.

Je ne peux rien manger de ce que je veux : pâté de campagne, saucisson sec, charcuterie, rillettes, sardines… Outre l’okok et les haricots, c’est tout ce que je veux. Mais c’est interdit. Je peux vous assurer que j’ai pleuré en l’apprenant. Le saucisson sec a une place de choix dans ma vie.

Je n’écoute plus la musique à fond dans mes écouteurs. Ca peut sembler idiot, mais c’est la vérité. Je n’y arrive juste plus. Là j’écoute TLC et le volume est à 18. Impensable il y a encore seulement quelques mois. Pour me prouver que ma vie n’avait pas changé, je me forçais à écouter la musique haut et fort. Mais ça me donnait des maux de tête. Le déni peut nous pousser à faire des choses folles. Depuis 3 jours, j’écoute la musique à 15 ou 18. Sans m’énerver.

Je pourrai continuer comme ça jusqu’à demain, sans parler du changement majeur.

Je vous ai beaucoup parlé du livre Thinking In Bets : Making Smarter Decisions When You Don’t Have All the Facts. Je n’ai pas encore fait de revue, mais ça viendra. L’une des parties qui m’a le plus marquée dans le livre est celle qui parle de bet on the future self. Je vous explique. Chaque décision que l’on prend affecte négativement ou positivement le future self. On se focalise généralement que sur le moment présent, en ne pensant qu’à la satisfaction immédiate, sans tenir compte des retombées sur le future self.

Depuis le début de tout ceci, je me suis littéralement laissée tomber. J’ai quasiment cessé d’aller au bureau, j’ai passé toutes mes journées dans mon lit à me lamenter et à maudire chaque malaise. J’ai cessé de m’alimenter comme il fallait et j’ai mis de côté toute activité autre que mes lamentations : je ne répondais pas aux mails, je me foutais de tenir mes promesses, je ne lisais plus, je n’écoutais plus de podcasts, je regardais des films et des séries abrutissantes à longueur de journée… je m’étais enterrée vivante. Et ça semblait être la chose à faire. Je me sentais bien dans mon lit.

Sauf que ça semblait agréable sur le moment, mais mon future self n’aurait en rien bénéficié de mon attitude. Pour arriver au bout de tout ceci sans être en mode épave, j’ai décidé de me focaliser sur mon future self. Ce que je veux ne compte pas si ce n’est pas utile. J’ai recommencé à prendre mes médicaments comme il le faut. J’ai recommencé à boire de l’eau (après 1 mois entier sans le faire, à consommer uniquement du jus d’orange). J’ai recommencé à aller au bureau, à répondre aux mails, à remplir mes tâches en temps et en heure. J’ai recommencé à établir des to do lists, et en 3 jours j’ai réussi à combler une grande partie du vide laissé par mon inaction.

Mon attitude ne restera pas impunie, je le sais. Je devrais récolter les fruits de cette longue période d’hibernation et de mauvais choix. Mais au moins je me suis reprise, ce qui limite un tant soit peu les dégâts. Je fais abstraction de mon present self pour donner les commandes au future self, le seul à même à me mener où il faut dans cette situation.

La décision n’a pas été facile à prendre, étant donné que je déteste vivre en dehors du présent. Sauf que dans l’état où je suis, si je le fais je finirai mal. Très mal. Pas seulement moi, mais aussi le petit humain, et par ricochet son père. C’est dur de ne plus être le point focal de mes décisions, mais je vais devoir m’y habituer. Je fais de mon mieux pour ne pas trop y penser pour le moment. Bien que le present self veut prendre le temps de se lamenter sur la situation, le future self n’en a pas besoin. Lamentations égal temps perdu.

J’aurais pu continuer ce texte encore et encore, mais mon envie de vomir devient pressante. Elle signifie que je dois manger, et donc partir de ce bureau. Oui, vous souffrirez vous aussi des affres de cette grossesse.

Merci encore à vous qui avez pris le temps de m’écrire et de me dire des mots gentils. Vous avez changé ma vie pour les prochains mois et au-delà, n’en doutez pas.

Merci de tout cœur.

Photo : Marcus Wökel


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7 comments
  1. Et je suis de ton avis, tout le monde n’est pas fait pour gérer le stress inhérent à la création et la pérennisation d’une entreprise. Ce que beaucoup ignore c’est que le désir de réussir doit être au moins égale sinon supérieur à la capacité de gestion d’un stress équivalent.
    Mais en ce sens Yves Saint Laurent a su déléguer à Pierre afin de rester concentrer sur la création. C’est ça véritablement pour moi être RICHE : Déléguer ce que l’on ne veut pas ou ne peut pas gérer soi-même.
    Tu peux aussi le faire avec ELLE CITOYENNE de même qu’avec toutes les initiatives qui sont les tiennes. Trouves ton Pierre Berges !
    Je suis Certain qu’Oprah le fait

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