Préparer l’avenir professionnel et financier de nos enfants : les bases

25 minutes

C’est la toute première fois que j’aborde ce sujet en public, pourtant je ne me lasse pas d’en parler dans mes cercles privés.

Nous vivons à l’ère de l’indignation et tout argument avancé, tout parti pris est considéré comme une attaque, voire une insulte à un groupe qui se sentirait (souvent sans aucune raison) visé. Ne pas aimer le poisson c’est vouloir assassiner tous ceux qui en mangent et être condamné pour. Aimer la viande c’est pouvoir manger son frère et donc avoir des tendances cannibales. Vouloir le meilleur pour son enfant et être prêt à en payer le prix quel que soit le montant est un comportement de riche, de snob, de parvenu. Veuillez noter ici que les 3 mots sont très souvent interchangeables selon beaucoup de gens.

Je suis connue et reconnue pour me foutre de l’avis du monde, mais je dois vous avouer que ces derniers mois je suis tellement épuisée que je n’ai aucune envie d’expliquer au commun des mortels des choses qui sont pour moi évidentes. C’est la raison pour laquelle a la suite de cet article, toute interaction qui manquera d’ouverture d’esprit ne recevra aucune réponse.


Au départ, il était question pour moi de rédiger un article sur le fait de préparer la voie vers une réussite professionnelle pour nos enfants en misant sur les finances et de bonnes études. Je me suis aperçue que je ne pouvais en parler sans aborder premièrement les bases qui feront de cette préparation la meilleure qui soit : apprendre à nos enfants à saisir les opportunités. Ça peut sembler bête à dire, mais il serait inutile de s’échiner à débroussailler des voies pour quelqu’un qui ne comprendrait ni leur valeur, ni leur nécessité.

J’aborderai donc 6 points ici qui jalonneront le chemin vers ces opportunités dont nous parlerons très prochainement.

1- Travailler notre rapport à l’argent pour que notre enfant ait un rapport aux finances sain.

Notre rapport à l’argent est biaisé. Il faudrait que nous puissions nous l’avouer clairement. Le paradis appartient aux pauvres, ces derniers qui seront premiers après leur mort. L’argent corrompt, rend vil, sale. Judas a vendu Jésus pour de l’argent. Certains chercheurs affirment le contraire et soutiennent qu’en réalité leurs valeurs n’étaient plus les mêmes, et le point culminant a été le fait que Jésus accepte de se laisser laver les pieds avec un parfum très cher. Je sais, je digresse. Toutefois, l’épisode 3 de ce documentaire vous édifiera si cette question vous intéresse.

Donc je disais… la richesse est enviée, mais nous en avons peur et nous la rejetons très souvent. Il y a peu de temps encore je n’osais penser que mon travail pouvait valoir certaines sommes d’argent. C’était trop. Ce n’était pas possible. N’étais-je pas trop gourmande ?

L’éducation que nombre d’entre nous ont reçue nous a mieux préparé à la pauvreté qu’à autre chose, et nous avons, consciemment ou inconsciemment, des difficultés à sortir de ce schéma. Nos parents nous forçaient parfois à manger des repas que nous n’aimions pas parce que « la vie n’offre pas de choix » et « on doit se contenter de ce qu’on a ». L’intention était bonne. Elle était même louable, d’autant plus que certains le faisaient parce qu’ils n’avaient pas les moyens d’offrir un autre repas à leurs enfants.

La situation en elle-même n’était pas tragique. C’est le discours qui l’accompagnait qui l’était. « Il n’y a pas de choix ». « Le choix c’est pour les autres, les riches, ce que tu n’es pas. » La conséquence sur le long terme est l’enregistrement de la réalité selon laquelle nous n’aurons jamais de choix et la vie sera toujours difficile. Ne pas voir trop grand ou chercher trop loin, ne pas s’égarer du chemin tracé, rester quelqu’un de bien en continuant d’accepter que c’est Dieu qui donne, être gourmand et un péché.

L’humilité et la rectitude du comportement sont intimement liées à la pauvreté dans les imaginaires, c’est la raison pour laquelle Toni Elumelu est épatant lorsqu’il mange du mais grillé ou que Thione Niang (est-il vraiment riche ?) semble « humble » à Kadi Nelly lorsqu’il porte des tapettes à 200 francs. La personne riche est supposée être exécrable et, vu qu’au final on ne veut pas lui ressembler, on se met inconsciemment les bâtons dans les roues pour ne pas atteindre son niveau.

Je vous recommande vivement le livre Business Secrets from the Bible: Spiritual Success Strategies for Financial Abundance du Rabbi Daniel Lapin qui déconstruit le mythe selon lequel Dieu n’aime que les pauvres et qui montre à travers les écrits bibliques qu’il n’est aucunement contre la richesse. En plus de tout ceci il donne des conseils pratiques pour se faire de l’argent tant pour soi que pour sa descendance.

Transmettre cette perception de l’argent à nos enfants et leur interdire d’en parler, d’en demander ou même d’y penser et attendre d’eux qu’ils soient des personnes prêtes à gagner beaucoup d’argent et à négocier des salaires dignes de ce nom est contradictoire. Ce sur quoi il faudrait plutôt se focaliser c’est leur apprendre la valeur de l’argent, comment il se gagne et combien coûte ce qu’on achète. Un enfant qui demande de l’argent parce qu’il sait que ce qu’il veut n’est pas une fantaisie (oui, on peut le lui apprendre) et parce qu’il en a besoin, ou qui négocie pour acquérir quelque chose de fantaisiste est bien plus intéressant en termes de comportement et de compétences qu’une interdiction, voir la peur d’en parler.

2- Définir les standards qu’on veut pour son enfant selon nos attentes et non en comparaison de ce qui nous entoure.

Créer des opportunités pour son enfant afin de lui garantir entre autres une position de choix et une aisance matérielle est très souvent mal vu. Qu’est-ce que j’entends par création d’opportunités ? C’est tout mettre en œuvre pour que notre enfant bénéficie des meilleurs accès vers la ou les voies qu’il compte emprunter, en particulier dans les domaines des finances, des études et de l’emploi.

Notre époque est très, mais alors très compétitive. Les opportunités sont difficilement accessibles et, compte tenu de la médiocre qualité de l’éducation en général, les bonnes écoles sont chères et n’acceptent en leur sein qu’une certaine élite.. Aujourd’hui il faut parfois dépenser plus d’1 million de francs pour une crèche ou une maternelle qui offrira le meilleur à notre enfant selon nos standards.

Lorsque j’ai abordé ce sujet il y a quelques jours sur Instagram, certaines des plus grandes craintes soulevées au cours des discussions étaient le regard des autres par rapport à ce qu’on offre à son enfant et la peur d’avoir des enfants gâtés qui ne connaissent pas la valeur de l’argent et qui manquent d’humilité. Dans l’épisode 6 du podcast Noires et Fières, Mavic Bright dit en substance qu’il faut apprendre à faire la différence entre les standards que nous avons pour nos enfants et ceux que les autres ont pour eux ou pour les leurs.

Un enfant gâté pour vous peut par exemple être un enfant qui choisit ses vêtements et dit non à ses parents qui lui proposent un short alors qu’il veut porter un pantalon. Votre standard pour votre enfant c’est ne pas avoir de pouvoir de décision et c’est ok. Acceptez toutefois que d’autres formes d’éducation existent et que, tout comme vous qui avez réfléchi avant d’opter pour le fait d’ôter le pouvoir de décision de votre enfant, l’autre parent a réfléchi et a décidé de le lui accorder. Au final, qu’est-ce qui en fait un enfant gâté ? Comme Mavic Bright le dit, « Ce qui est important ce n’est pas tant l’interprétation que l’autre se fait du résultat, que l’intention qu’il y a dans ce que tu as donné [à ton enfant]. » Je vous propose de l’écouter alors qu’elle en parle avant de poursuivre la lecture de l’article. Vous n’avez qu’à appuyer sur Play pour écouter l’extrait :

J’ai eu une discussion avec une jeune dame qui craignait que des écoles huppées fassent des enfants des personnes qui manquent d’humilité. Ma réponse à cela ? Apprenons à nos enfants à ne pas avoir honte des opportunités dont ils bénéficient et qui ne sont pas accessibles aux autres. Enseignons leur l’humilité, c’est notre travail. Apprenons-leur que ce à quoi ils ont accès n’est pas offert à tous, alors ils doivent en profiter et faire profiter les autres s’ils en ont la possibilité. L’école a à sa charge l’instruction de nos enfants, pas leur éducation. Ayons confiance en notre capacité à éduquer nos enfants. Si nous leur laissons voir que nous en doutons, ils en douteront 2 fois plus.

Nous devons cesser de penser qu’être respectueux, gentils et généreux envers nos enfants les rendra invivable parce que l’entourage nous le dit. Les gens m’ont prédit un futur sombre avec le petit humain parce que c’est lui qui décide et je ne le force pas à faire ce que moi je souhaite qu’il fasse. D’autres ont dit que je me prends pour une « Blanche » à vouloir élever mon enfant différemment. Oui ça pique, oui ça énerve, mais la fin de la journée je sais quels sont les standards que j’ai définis pour mon enfant et je ne perds pas de vue la réalité selon laquelle ces gens n’ont pas la charge de son éducation. Ce qu’ils veulent ou ne veulent pas ne me concerne pas, et leur perception de ce que j’offre à mon enfant reste la leur.

3- Travailler à l’ouverture d’esprit de son enfant.

Ma mère nous a toujours acheté des tonnes de livres et mon père nous a toujours plus ou moins obligés à nous cultiver, alors je passais pour plus intelligente que les autres. Mes lectures m’exposaient à plus de mots, plus d’expressions, plus de réalités que mes camarades, tout simplement.

La question de l’ouverture d’esprit des enfants est donc essentielle pour moi. Lorsque j’étais enfant, nous avions l’habitude de penser que « les enfants des Blancs » étaient très intelligents et nettement plus matures que nous. Même mes connaissances plutôt élevées pour mon milieu et mon âge semblaient pâles au côté de celles des petits occidentaux. Je sais aujourd’hui qu’il ne s’agissait pas d’une différence de QI, mais d’une différence au niveau de ce à quoi nous étions exposés. Tout comme j’étais exposée à plus de choses que mes pairs de l’époque, ces « petits Blancs » étaient exposés à plus de ressources que moi.

Un enfant à qui on lit des livres est un enfant qui entend bien plus de mots que ceux employés dans son environnement direct. Nous avons tous un vocabulaire plus ou moins limité et nous utilisons les mêmes mots au quotidien. Faire de la lecture à son enfant lui donne une avance réelle et le prépare à des interactions plus riches avec le monde qui l’entoure. Au-delà des mots, il fait l’expérience de situations vécues à travers des personnages certes fictifs, mais dont le parcours est susceptible de l’emmener à tirer des enseignements.

L’enfant doit être emmené à sortir de son cercle de vie afin de stimuler l’esprit de découverte qui créera en lui l’envie de toujours aller voir plus loin. Découvrir plein de choses lui permet de savoir très tôt ce vers quoi il a de réels penchants, ce qui peut lui éviter de se « chercher » pendant de longues années, ou lui permettre de se spécialiser plus tôt. Une grande culture générale et la fréquentation de milieu divers et variés lui permettent de savoir naviguer dans différents cercles et dans différents environnements sans avoir l’impression de ne pas y avoir sa place.

Dina a soulevé un point intéressant alors que nous parlions des portes que nous ouvrons à nos enfants. Elle a dit que beaucoup pensent qu’il faut être riche pour faire découvrir le monde à son enfant, pourtant de nombreux événements culturels sont gratuits, ou les enfants n’ont pas besoin d’avoir de tickets d’entrée. Il suffit de s’informer sur la tenue de ces événements (journaux, newsletter, sites internet…).

Dans la meme veine, l’une des méthodes utilisées par les précepteurs de Gargantua pour construire et alimenter son savoir encyclopédique était l’étude de la nature. L’enfant était sorti de la maison et emmené dans le jardin (ou plus loin) où on lui parlait des plantes, des insectes et de tout ce qu’il voyait autour de lui. Vous me direz que Gargantua était un personnage fictif, et je vous répondrai qu’il y a encore quelques siècles, avant la télévision et les jeux vidéo, le savoir encyclopédique (et cette méthode d’enseignement) étaient monnaie courante au sein de l’aristocratie.

Lisez cet extrait d’une présentation succincte de l’éducation qu’a reçu ce personnage de Rabelais :

« Gargantua suit alors une éducation complète, encyclopédique et morale, dans laquelle l’exercice physique et l’hygiène corporelle tiennent également une place centrale. Il découvre les auteurs grecs et latins, apprend l’arithmétique en jouant aux dés ou aux cartes et s’exerce à la musique. L’écuyer Gymnaste lui apprend la pratique des armes et de la cavalerie ; Ponocrates et Eudémon développent son goût à l’effort, son sens de la justice et son esprit critique.

Quand le temps restreint les occupations extérieures, il mène des activités artistiques et artisanales, comme la peinture et la métallurgie, écoute les leçons publiques, s’entraîne à l’escrime, s’intéresse à l’herboristerie, sonde les boniments des commerçants et modère ses repas. Ce programme, en apparence démesuré, est à la mesure d’un géant et vise à rattraper six décennies perdues. Il s’inscrit dans la perspective humaniste étayée par Érasme, en faveur d’une pédagogie fondée sur la compréhension et le développement des facultés individuelles. Une fois par mois, Ponocrates et Gargantua profitent d’un jour ensoleillé pour aller à la campagne, faire grande chère sans omettre de réciter ou de composer des poèmes. »

Développez l’esprit créatif de votre enfant. Beaucoup de parents pensent que c’est une perte de temps, ce qui est faux. De nombreuses études montrent qu’un enfant exposé à l’art et qui a la possibilité d’exprimer sa créativité develope des facilités d’apprentissage. Mettez-lui de la musique, laissez-le danser autant qu’il le souhaite, initiez-le au coloriage, laissez-le couvrir votre table basse de pâte à modeler (ça se nettoie !), laissez-le vivre sa vie et penser que tout lui est possible !

4- Présenter à son enfant la variété des choix à sa disposition.

Les enfants sont pris pour des cons. C’est triste mais c’est vrai. On leur parle comme à des attardés, on se dit qu’ils ne peuvent pas comprendre ce qui se passe autour d’eux, et toute tentative d’affirmation de soi de leur part est considérée comme un caprice ou un manque de respect envers l’adulte tout puissant.

Inculquer à un enfant qu’il ne sait pas ce qu’il veut c’est poser les bases pour un adulte plein de doutes et de questionnements sur sa capacité à prendre les bonnes décisions pour lui-même. Je le dis souvent, j’ai été orientée dans mes études par mes parents jusqu’au Master. Je tiens à préciser que ça partait d’un bon sentiment de leur part. Les résultats n’ont certes pas été catastrophiques, mais je sais aujourd’hui que je n’aurais pas fait des études en traduction si je savais l’existence d’autres filières (j’ai baigné dans un monde de littérature toute ma vie) et si j’avais compris qu’elles m’étaient accessibles. La sociologie et l’anthropologie auraient eu ma préférence. Comme mentionné précédemment les résultats n’ont pas été catastrophiques, mais tous ceux qui ont eu le même parcours que moi ne peuvent en dire autant.

Très souvent les parents projettent leurs pensées limitatives sur leurs enfants, ce qui a un grand impact sur eux. L’enfant ne sait pas ce qui est bon pour lui, il y a tellement de choses qu’il ne peut pas comprendre, alors on décide de tout pour lui et on ne l’expose qu’à ce qu’on croit qu’il pourrait comprendre. Ryan Holiday dans sa newsletter Daily Dad a dit une fois que nous devons cesser de limiter nos enfants aux livres « pour enfants » parce qu’on croit qu’ils sont relativement idiots et oser leur donner de « vrais » livres. Je reviens sur l’éducation il y a quelques siècles. Les enfants lisaient les classiques, ce qui participait à leur ouverture d’esprit et une compréhension approfondie des événements autour d’eux, qu’ils soient sociaux, économiques ou politiques. Montrez aux enfants que les livres pour enfants sont à leur portée, mais ils ne sont pas les seuls qu’ils peuvent lire. Lisez cet extrait du texte mentionné précédemment :

“Who knows, maybe it’s too much to ask these days. But what you can do is at least expose them to these classic texts. Don’t wait for their school to do it—because they won’t (they probably won’t even show them the movie either). Don’t expect kids to find a passion for it on their own, because videogames and social media are way easier and more gratifying. You have to teach them. You have to make them excited. And that’s probably going to start with you getting excited first—with Dad leading by example once again.”

Ne vous dites pas que certains sujets sont trop « élevés » pour les enfants. Hier encore j’expliquais à ma nièce de 8 ans et demi ce que c’est qu’un détournement de fonds. Sa maman parlait d’un politique incarcéré pour détournements de fonds, et j’ai vu à l’air sur son visage qu’elle ne comprenait pas de quoi il était question, alors je lui ai expliqué : « Si on te donne 1 000 FCFA pour acheter du riz pour la maison et que toi tu utilises cet argent pour des achats personnels, alors tu as détourné les 1 000 FCFA. Le mec en prison devait utiliser l’argent à sa disposition pour des trucs pour la ville, et il a pris cet argent pour lui. » Il y a toujours une manière simple et claire d’expliquer les choses aux enfants.

Un enfant à qui on n’a pas appris à décider par lui-même selon une possibilité de choix est un enfant qui n’est pas équipé pour se prendre en charge et donc à œuvrer pour son propre avancement dans la vie. Brisez les codes, montrez à votre enfant qu’il a la possibilité d’aspirer à mieux et d’atteindre ce « mieux » pour lui. En revanche, ne lui envoyez pas de mixed messages tels que « Tu as le droit de décider pour toi-même, mais c’est moi qui décide de tes études. » Vos mots peuvent ne pas le dire, mais si vos actes l’expriment, les conséquences restent les mêmes. Comme l’a chanté Barry White, Practice What You Preach.

5- Ne pas inculquer à son enfant que la vie n’est que manque, limitations et interdictions

Je lis en ce moment le livre How Civilzations Die, and Why Islam Will Die Too de David P. Goldman. Nous reviendrons sur le biais et l’obsession négative de l’auteur envers les musulmans et l’Islam lorsque je partagerai mon avis complet sur le livre. Aujourd’hui nous nous focaliserons sur l’une des raisons à l’origine de la diminution du nombre d’enfants au sein des familles : les enfants coûtent cher. Selon l’époque et l’environnement dans lequel on vit, les enfants peuvent certes être considérés comme une richesse financière (chez les agriculteurs par exemple, c’est de la main d’œuvre quasi gratuite), mais je ne pense que ce soit le cas pour les lectrices et lecteurs de cet article.

Les réalités sociales actuelles font des enfants un poids financier non négligeable, et ce sur de très longues années. Lait, couches, aliments, frais de scolarité, vêtements (petits après 3 mois d’utilisation) … Les dépenses semblent interminables et l’inflation n’arrange pas les choses. Je me suis aperçue que chaque fois que la nounou du petit humain me demandait d’effectuer un achat pour lui (quasiment tous les jours), je disais en rigolant « Mais vous me coûtez cher hein ! » Le ton était certes léger, mais après réflexion, le message renvoyé ne l’est pas.

Un enfant doit certes grandir en sachant qu’il faut de l’argent pour acheter ce dont on a besoin ou ce qui nous ferait plaisir, mais il ne doit pas ressentir que ses besoins sont des poids pour le parent, sinon il les considèrera comme des poids tout court et s’interdira d’en avoir. Qu’est-ce qui serait préférable : avoir un enfant qui grandit en sachant qu’il peut combler ses besoins en gagnant l’argent nécessaire à leur satisfaction ou avoir un enfant qui s’interdit d’en avoir et ne verra donc pas la nécessité d’avoir une bonne condition financière pour lui-même ? Si votre enfant a un besoin et vous n’avez pas pour le moment les moyens de le combler, ne le faites pas culpabiliser par rapport à son besoin parce que le problème n’est pas à ce niveau.

En ce qui concerne les limitations, je pense pouvoir écrire tout un livre sur le sujet. L’un des premiers mots que les enfants apprennent à dire est « non », à cause du nombre de fois où ils l’entendent. Un enfant à qui on dit non à tout et tout le temps est un enfant qui se crispe face à ses propres envies. Je vous explique ma méthode aussi brièvement que possible.

Le petit humain a accès à absolument tout dans la maison. Rien ne lui est interdit. Ce qui pourrait être dangereux n’est pas à sa portée, tout simplement. Il veut boire dans un récipient cassable et veut le tenir tout seul ? Qu’il le fasse. Mon rôle n’est pas de lui interdire de le faire, mais de l’aider à le faire sans danger, ce qui booste sa confiance en lui : il boit comme les grands. Il veut sauter sur le canapé ? Il peut le faire, tant qu’il enlève ses chaussures. Il veut prendre un de mes livres ? Qu’il le fasse, les livres sont faits pour être feuilletés et lus. Il veut lécher le sol de la maison ou goûter aux meubles ? Qu’il le fasse, de toute façon soit c’est dégueulasse, soit ça n’a absolument aucun goût.

Nous lui montrons comment les choses s’utilisent et il les utilise soit comme on lui a montré, soit à sa façon. Il n’y a donc ni crainte ou crispation lorsqu’il évolue dans sa maison. Ceci ne signifie pas que rien ne lui est jamais refusé. Le mot « non » n’est pas un mot que je prononce à la légère, alors il sait que lorsque je dis non ce n’est vraiment pas possible. Il fait parfois des crises, comme tout enfant, mais il enregistre que ce n’est définitivement pas accessible.

Lorsque je parle du résultat de cette pratique, la majorité des gens ne me croient pas. Le petit humain ne casse, ne déchire, ne gâte rien et, par-dessus tout, il n’est pas craintif. Il sait que je ne vais pas le gronder parce qu’il a essayé d’accomplir quelque chose.

Quand les choses sont présentées aux enfants de manière saine et participative, elles éveillent un intérêt positif et poussent à vouloir expérimenter davantage. Lorsque tout est interdit les petits nourrissent un sentiment négatif/craintif envers des éléments qui auraient pu leur être bénéfiques et s’en détournent.

Pour clore cette partie, je dirai que les gaffes que font les enfants sont nettement moins importantes que l’intention derrière. Nous avons appris au petit humain très tôt à tenir un stylo et à gribouiller parce qu’il voulait faire comme nous. Il a gribouillé sur un fauteuil de la maison et la nounou était toute paniquée. Je lui ai dit de ne pas le gronder. Il faut lui dire tout simplement qu’on n’écrit pas sur les fauteuils mais sur du papier et lui en donner. S’il avait eu l’âge de nettoyer le fauteuil je lui aurais appris à le faire, et ce sans violence.

Son intention n’était pas de bousiller le fauteuil, mais d’écrire. Nous lui avons appris qu’écrire est une bonne chose, nous ne pouvons le tabasser parce qu’il a écrit. Mixed messages. C’est un enfant, il est sur Terre depuis 3 minutes, son cerveau a enregistré qu’il faut écrire quand on a un stylo. Point. Notre rôle est de nous assurer que lorsqu’il tient un stylo nous lui donnions du papier pour qu’il puisse s’exprimer.

6- Aspirez à mieux pour soi-même afin que ce soit naturel pour son enfant

Les enfants ne copient pas ce qu’ils entendent, mais ce qu’ils voient. J’en ai longuement parlé dans l’article La problématique du manioc salvateur. Apprendre à un enfant à se créer des opportunités et à saisir celles à sa portée alors qu’on n’agit pas de cette façon lui montre que ce qu’on lui dit est quasiment impossible à accomplir. Espérer apprendre la valeur du travail à un enfant alors qu’on passe soi-même sa vie devant la télé devant le petit est tout aussi illusoire.

Marie Noelle Bissek a dit une fois sur Instagram que ce qui lui a permis de poursuivre ses études alors qu’elle avait déjà des enfants c’est le fait d’avoir vu sa mère agir de la sorte. Ça ne lui semblait pas étrange, alors elle l’a fait. Elle est maman de 3 enfants et médecin aujourd’hui. Quoi de plus beau ? Outre l’exemple donné, aspirer à mieux pour soi-même signifie élever son niveau de vie, et donc créer de meilleures opportunités pour son enfant, ce dont il a été question tout au long de cet article.


Il y a encore tellement à dire sur le sujet, mais je vais m’arrêter là car vous avez déjà une idée générale de ma pensée. Je tiens à préciser que tout ce travail de transmission à nos enfants n’est ni simple, ni facile. La patience est d’or, surtout au niveau de la gestion de notre comportement et notre discours en tant que parent. En ce qui me concerne, je suis en plein milieu du processus. Je travaille sur mon comportement, mais aussi la manière dont je dis les choses au petit humain et je corrige très souvent mes propos, car beaucoup reste encore à faire.

A présent que nous avons jeté les bases, nous poursuivrons la discussion prochainement.

Photo : Barbara Olsen


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7 comments
  1. J’ai beaucoup aimé l’article. La théorie est bien plus facile que la pratique de mon côté surtout que j’ai besoin de temps pour assimiler et mettre en pratique. La plupart du temps c’est a moi de revoir mes dires et mes agissements. Mes humains parlent énormément et enregistrent vite. C’est un vrai challenge quand on construit l’adulte qu’on est. J’attends la suite avec impatience

    1. C’est clair que la theorie est bien plus simple que la pratique ! Je me reprends quasiment tous les jours !

  2. Hello Befoune,
    Ton article est édifiant, très édifiant même. J’ai sous ma responsabilité l’éducation de petits humains et comme précédemment mentionné, le travail se fait et se fera simultanément sur eux et sur moi-même. J’avoue que ne pas brider à tout va, permet à l’enfant d’exprimer très rapidement ses préférences, ses choix, ses métiers. Observer cet éveil de près est fascinant. Cet épisode de « Noir et Riche » m’ouvre aux possibilités infinies et lève mes inquiétudes.
    Merci Befoune pour ce travail que tu exerces avec passion. Merci pour ton temps, merci pour ton amour 😘!

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