Le poids social de l’éducation gender-neutral : la question de l’apparence des petites filles

21 minutes

J’ai pleuré lorsque le médecin m’a annoncé que j’étais enceinte d’une fille. Beaucoup.

Je me souviens de l’éclat de rire d’Armelle quand je lui ai dit que j’attendais une fille. Elle a ri pendant 2 minutes sans pouvoir s’arrêter. Elle m’avait pourtant prévenue : « Tu n’es pas au contrôle, n’essaie pas de l’être. Dieu a décidé de te donner un enfant malgré tes réticences et tu continues de croire que tu as ton mot à dire. Tu n’as rien à dire. On se fiche que tu souhaites avoir un garçon. Pourquoi ? Parce que tu auras une fille ! » Puis un autre violent éclat de rire. Sans pouvoir s’arrêter une fois encore.

Je me souviens également de la joie du papa du petit humain. Il souhaitait vraiment que nous ayons une fille. Je le regardais parfois du coin de l’œil en me disant « Il pense que c’est lui qui décide ? Cet enfant sera un garçon ! » Armelle me l’avait pourtant répété, je n’avais pas mon mot à dire. Je n’avais aucune idée que le Ciel, la Nature et la Providence s’aligneraient aux souhaits de mon amoureux.


La seule consolation face à ma grossesse aussi difficile mentalement que physiquement était que je m’étais convaincue que j’allais avoir un garçon. L’éducation d’un garçon me semblait plus simple par rapport à mes capacités à élever un enfant qui serait le mien. Je n’étais pas équipée pour être parent d’une fille. J’ai une aversion réelle pour la vie de femme et je ne voulais en aucun cas être mêlée à la vie d’une future femme. Je ne voulais pas mettre au monde quelqu’un qu’il aurait fallu armer jusqu’aux dents pour naviguer dans une société où rien ne semble jouer en sa faveur. Apprendre à mon fils ce qu’est une femme me semblait nettement plus simple qu’armer un petit humain pour en être un. J’aurais appris à mon fils la valeur de la femme dans son ensemble, mais je n’étais pas prête à équiper une fille afin qu’elle définisse et comprenne sa valeur, et qu’elle puisse la peindre d’or et la parer de diamant.

Après des semaines de léthargie suite à la nouvelle j’ai retrouvé mes facultés de réflexion. Il me fallait définir une stratégie. J’allais avoir une fille. Un être sans pénis et qui aurait des seins. Un être dont le corps serait au centre des réflexions et des discussions et définirait ses interactions dès le jour 1.

Notre décision d’élever notre enfant selon le modèle gender neutral prenait un tout nouveau sens. Il ne s’agissait plus entre autres et ce de manière simpliste de dire à notre fils que le rose et les paillettes c’est pour tout le monde, que les garçons ont le droit de pleurer et qu’il avait la possibilité de vivre sa vie selon ses termes. Ça aurait été tellement moins difficile pour moi parce qu’effectivement, mon fils aurait eu cette possibilité-là de vivre sa vie selon ses termes. Il aurait fait partie de la catégorie des décideurs. Il aurait un été un garçon. Puis un homme. Si jamais il décidait de le rester.

Adopter le mode d’éducation gender neutral pour une fille était aussi lourd qu’effrayant. J’avais cependant une certitude : j’étais le premier bouclier de cet enfant. Il n’avait absolument rien demandé. J’avais pris la décision de le mettre au monde et son bien-être était ma responsabilité, aussi affolant que cela puisse être. Nous savions exactement pourquoi nous souhaitions adopter ce mode d’éducation, et je me rendais compte que la difficulté entrevue ne venait pas de ma capacité à y arriver, mais de la potentielle réponse de ceux face à moi.


J’ai pleuré de tristesse et de désespoir le jour de la naissance du petit humain. Je pense lorsque j’écris ces mots que j’ai également pleuré de frustration.

J’avais pris pendant des mois le temps et le soin de constituer la garde-robe de ma fille. Au cours de ses tous premiers mois elle n’aurait porté que des vêtements aux couleurs neutres. Beaucoup de blanc. Beaucoup. L’image de mon petit frère bébé qui courait dans toute la maison en onesie blanc était pour moi la représentation de la perfection faite enfant. Outre le blanc nous avions du bleu clair, du gris, du jaune, et puis des touches de couleurs par-ci par-là. Pour les mois suivants j’avais pris des ensembles sympas sans grande distinction de couleur (le bleu-marine et le noir ont failli déclencher des crises d’apoplexie). Tout autant que ses vêtements, tous les accessoires du petit humain avaient été méticuleusement pensés.

Sa literie était toute blanche, ses couvertures étaient blanches avec d’adorables touches colorées. Son thermomètre, son kit de manicure et même son mouche bébé étaient d’un vert d’eau. Ses peignes et ses brosses à cheveux étaient faites de bois. J’avais également sélectionné des vêtements à tendance féminine selon les normes sociales, mais qu’un garçon aurait aisément pu porter. J’avais aussi 2 ou 3 vêtements typiquement féminins. Je les avais mis dans mon panier d’achats en interdisant à mon cerveau de penser et en me promettant d’y réfléchir plus tard.

Tout était prêt. Puis ma puce est née. Outre le fait de s’annoncer un mois avant son terme, mon petit humain n’avait pu se développer autant qu’il le fallait dans l’environnement hostile qu’était mon utérus à l’époque. Il faisait à peine 2kg et quasiment aucun de ses vêtements ne lui allaient. Ma sœur a dû courir au magasin pour lui acheter des habits.

Il n’y avait absolument rien d’autre pour bébé que des vêtements rosés typiquement féminins.

J’ai pensé qu’étant donné qu’elle était contre ma politique du gender neutral, elle essayait de m’imposer sa réalité. Je lui ai dit de laisser tomber et j’ai demandé à mon amoureux d’aller au magasin à la place. Ma sœur n’avait pas menti. Il n’y avait que 2 grenouillères au magasin (le plus proche et l’un des seuls potables de la ville) : l’une gris clair et rose et l’autre blanche avec écrit en rose dessus « Née en 2019 » ou quelque chose de la sorte.

J’ai jeté le téléphone de rage après avoir vu les photos des grenouillères et après lui avoir intimé l’ordre de ne même pas penser une seule seconde à acheter ce type de vêtement à notre bébé. Tout allait à l’eau dès le premier jour. Mon enfant allait être affublé de rose et tout ce que j’avais prévu pour elle allait être ruiné. J’échouais déjà alors que je venais tout juste d’être parent. Fille. Femme. Comment j’allais lui apprendre à décider par elle-même de celle qu’elle allait devenir si dès le premier jour je pliais aux normes sociales qui, pour moi, étaient et demeurent plus des tares sociales qu’autre chose ?

J’ai pleuré comme une endeuillée. De gros sanglots et des hoquètements. J’étais désespérée. Puis j’ai entendu la voix d’Armelle. Tu n’es pas au contrôle. J’ai continué de pleurer, puis je me suis demandé ce qui était plus important : que mon enfant ne porte pas de rose ou qu’il soit habillé. Je restais désespérée, mais j’étais résolue à ne pas laisser la couleur de ces vêtements définir la suite. Jamais.

J’ai rappelé le papa du petit humain. Il n’avait pas quitté la boutique. Il savait que je le rappellerais.


Avoir le petit humain m’a montré à quel point les enfants sont considérés comme des êtres dénués de… tout. Avoir un enfant de sexe féminin a confirmé la réalité selon laquelle tout est apparence et rapport au corps lorsqu’il s’agit des filles.

Notre refus de percer les oreilles au petit humain allait de soi pour nous. Nous avons été négativement critiqués par de nombreuses personnes sans que nos motivations ne nous soient demandées. Une fille, ça a les oreilles percées. La première altercation a été avec l’infirmière à la clinique qui me demandait tous les matins « Et alors, c’est aujourd’hui qu’on lui percera les oreilles ? ». Mon « Non » poli mais ferme ne semblait rien y changer. Une fille, ça a les oreilles percées.

Ma famille a semblé lier notre éducation gender-neutral a une envie de « faire » de notre enfant un homosexuel ou un transgenre. Je dois vous avouer que ce n’est que récemment que j’ai pris le temps de leur expliquer la différence entre l’apparence, le genre, le sexe, l’attirance sexuelle et tout ce qui y est associé. A l’époque je n’en avais ni la possibilité, ni l’envie. Je semblais être attaquée de toute part, et ma capacité à éduquer un enfant, en particulier mon enfant, a été questionnée. Les blagues sur la nécessité de l’adopter pour en faire un enfant « normal » me blessaient, mais me défendre n’était pas ma priorité : il ne fallait pas que ces mots et ces comportements atteignent mon enfant. Je devais imposer mes choix et faire comprendre très tôt qu’il n’existait pas un seul type d’éducation, et même si le nôtre était incompris il devait être respecté et cesser d’être commenté.

La première explication est venue des mois plus tard.

Ma nièce (mon premier enfant) qui avait 7 ans lorsqu’il est né, n’arrêtait pas de me demander pourquoi le petit humain n’avait pas les oreilles percées, et ma réponse restait la même : ce sont ses oreilles, il doit avoir le choix de les percer ou non. Ce n’est pas à nous de prendre cette décision pour lui. Ma sœur m’a appelé un matin pour me raconter l’anecdote du jour : sa fille avait enlevé ses boucles d’oreille et lorsque son père, très énervé, lui a demandé pourquoi elle avait fait cela, elle lui a répondu le plus naturellement du monde « Parce que je veux avoir le choix comme…, et aujourd’hui je n’ai pas envie d’en porter. »

Des larmes de fierté m’ont coulé des yeux. C’était ça l’essence même de cette décision. Notre enfant devait apprendre et comprendre qu’elle est seule maitresse de son corps et ce type de décision lui appartient. Je n’ai appris que tout récemment que mon père avait formellement interdit de me faire percer les oreilles. Ma mère n’a pas suivi ses recommandations et l’a fait quand-même. Le baptême est ce sur quoi il n’a pas flanché. Chacun choisit sa religion, aucune ne sera imposée à personne. Comme quoi, le fruit ne tombe pas loin de l’arbre. Double moment de fierté.


Vous me demanderez certainement pourquoi j’insiste dans cet article sur l’apparence du petit humain alors que je parle de son éducation gender-neutral. C’est pour la simple raison que, comme je vous l’ai dit, mon combat avec l’extérieur porte généralement sur l’apparence de mon enfant. Son pédiatre, à qui il a fallu rappeler pendant des mois que le bébé est une fille (le prénom gender-neutral ne semblait pas aider…) a pris le soin de nous recommander de repenser le style de notre enfant. Le maitre-nageur, certainement confiant par le fait de ne voir aucune fesse, aucun ventre, aucun dos et aucune poitrine à l’air, m’a dit avec assurance qu’il ne comprenait pas pourquoi il avait un petit garçon devant lui, pourtant il avait rendez-vous avec une petite file.

Etant donné que ceci semble être le focus de la majorité, parlons-en, de l’apparence des petites filles.

Elles sont hypersexualisées.

Tout simplement.

Les maillots de bains des tout petits enfants  copient le style de ceux des femmes qui, pour moi, posent déjà un problème. C’est ainsi que nous avons des bébés avec des bustiers aux allures de soutien-gorge et des culottes aux allures de strings à nœuds sur les côtés. Elles s’exercent inconsciemment à exhiber plus grandes les attributs qui permettront aux autres de leur dire si elles en valent la peine ou non en tant que femmes. Il semble plus curieux pour le commun des mortels que ma fille porte un maillot de bain aux allures de tenue de surfer à courtes-manches et laissant les tibias et les mollets découverts, ou un ensemble fait d’un t-shirt et d’un short de bain. L’avoir et la voir quasiment nue semble nettement plus… normal.

J’ai à l’esprit ces Reels sur Instagram qui nous montrent des petites filles d’à peine 3 ans ou parfois moins qui changent 7 a 8 fois de tenues en 30 secondes. Chaque parent fait ce qu’il veut et définit le cadre d’éducation et d’accompagnement de son enfant selon ses valeurs et ses normes, mais je ne peux m’empêcher chaque fois de me dire « C’est beaucoup trop de pression pour un si petit enfant… »

Ma fille ne porte pas de jupe ou de robe aux allures de tenues d’adultes comme nous le préconise Instagram sous le modèle des enfants de stars. Non, je ne veux pas qu’à son âge elle soit plus préoccupée par la couleur de son gloss que par le dernier jeu qu’elle pourrait ou aurait imagine. Je veux que mon enfant vive sa vie d’enfant. Je ne veux pas que des phrases telles que « Une fille ne s’assoit pas comme ça, on voit ta culotte ! » ou « Ne cours pas partout, tu saliras ta belle robe ! » rythment sa vie de bébé et formatent la femme que je ne souhaite pas qu’elle soit. Je ne veux pas que, parce qu’elle est une fille et a donc le devoir de porter des robes, elle ne puisse pas courir et sauter autant qu’elle le souhaite.

Les cheveux chez la femme semblent être l’attribut par excellence. Ma fille a porté ses cheveux wild jusqu’à ce qu’elle décide qu’elle souhaitait des tresses après un essai de sa nounou. Elle a refusé que ses cheveux soient peignés pendant plus d’un an, ce qui semblait poser des problèmes à tout le monde sauf à nous. A la question « Ca ne te gêne pas que ses cheveux soient comme ça ? » je répondais « Je peigne mes cheveux plus ou moins une fois par mois, le jour de mon shampooing et mes soins. Pourquoi je l’obligerais à faire ce que moi-même je ne fais pas ? ». Pourquoi je peignerais les cheveux de quelqu’un qui ne veut pas qu’ils soient peignés alors que je sais m’occuper du cheveu crépu et je sais m’arranger pour qu’il ne s’emmêle pas ? Pourquoi le faire alors que tellement d’autres réalités existent ?

Je ne vous dis pas combien de fois j’ai entendu « C’est une fille, elle a besoin d’avoir des tresses ! ». Besoin. En quoi est-ce un besoin pour une fille d’être maintenue assise pendant des heures à avoir le cuir chevelu tiré de partout ? En quoi est-ce un besoin de se faire gronder toutes les 5 secondes parce qu’on gesticule, une chose qui n’est que normale pour un enfant ? En quoi est-ce un besoin de s’entendre dire qu’il faut souffrir pour être belle ? Quels ont été les critères de définition de ce besoin pour mon enfant ?

Si j’avais eu un fils, est-ce que j’aurais eu autant de remarques sur son apparence ? Est-ce qu’il aurait eu plus le droit que ma fille d’être un enfant, tout simplement ?


De nombreuses questions m’ont été posées sur internet après que j’ai dit que le petit humain avait un style gender-neutral. Est-ce que ce n’est pas aussi lui imposer un style a été la question la plus souvent imposée.

J’habille mon enfant comme un enfant. Je ne lui impose pas une couleur parce qu’elle définit son sexe et/ou son genre. J’ai bataillé contre mon aversion du rose et tout ce qu’il représente, et je m’en suis sorties grâce à des personnes bienveillantes qui m’ont fait comprendre que mon enfant devait être au contact de toutes les couleurs pour enregistrer qu’elles sont toutes pour tout le monde. L’habiller comme un enfant signifie prioriser les tenues dans lesquelles il est à l’aise et peut sauter et courir partout. J’avoue avoir une aversion pour les jupes et les robes lorsqu’il s’agit des enfants, mais cette aversion ne guide pas mes choix. J’ai retenu la leçon après les discussions autour du rose.

Je l’ai souvent dit et je le répète, un enfant a la capacité de définir son style. Aujourd’hui, à près de 2 ans, le petit humain est en pleine définition du sien. On a eu la période attaché de foulard. Depuis quelques jours on a le droit de lui peigner les cheveux, et tout ce qu’il veut c’est un afro puff avec un élastique autour.

Il adore les tresses et sa nounou aime les lui faire, mais j’ai tout de même des conditions : les tresses ne doivent pas empiéter sur son temps de « vie », alors on les lui fait et les défait quand il dort ou quand il est assez généreux pour nous accorder son temps sans bouger. Dès qu’il en a marre on arrête tout et on poursuit à un moment ou ça ne posera plus de problème ; les tresses se font sans peigner les cheveux, on les démêle aux doigts (aujourd’hui qu’on a le droit de peigner les cheveux on verra bien si ça change) ; les tresses ne doivent pas être difficiles à défaire et doivent pouvoir être défaites dans son sommeil pour ne pas empiéter sur son temps de vie.

L’émerveillement sur son visage lorsqu’il se réveille et se rend compte qu’il a des tresses est inestimable. Il court se mirer (cet enfant aime se regarder !) et n’arrête pas de se passer les mains dans les cheveux. Oui, ce résultat peut être atteint sans pleur, sans cri et sans tablette ou téléphone entre les mains comme distraction. Si jamais mon enfant souhaite des tresses différentes, il devra être prêt selon sa propre volonté à leur accorder plus de temps.

Je dois avouer que je semble être son modèle, alors lorsque je vais lui acheter des vêtements, je garde à l’esprit mes propres vêtements qu’il aime porter (oui, il ne se gêne pas !) et je lui achète des vêtements plus ou moins similaires. Il compte à présent dans sa garde-robe des vêtements classés dans la catégorie féminin parce qu’il m’a montré qu’il aime ça et se sent à l’aise dedans.

Il adore les chaussures. On change de paire de chaussures au moins 3 fois par jour. Aucune restriction à ce niveau. Personne ne m’empêche moi de me remettre du rouge à lèvres 3 fois dans la journée. Je pense fortement que le style de quelqu’un fait grandement partie de son identité et, sur ce volet, ma fille a le droit de s’exprimer autant que moi.

Pour ce qui est du perçage des oreilles, elle aura les oreilles percées quand elle le réclamera, quel que soit l’âge auquel elle fera la requête. Tout ce qui m’importe est que cela vienne d’elle et que, si plus grande elle ne s’en rappelle pas, je puisse lui dire fièrement que c’était sa décision et elle a été respectée.

Pourquoi tout ce stress ?

Ma fille doit savoir qu’elle a le choix, que son choix est respecté, et que personne n’est au contrôle de son corps si ce n’est elle-même. Elle décide comment elle le vêt, qui le touche et qui s’en approche. Les hommes ont ce privilège, les femmes doivent en bénéficier également. Cette normalisation des privilèges est au cœur de l’éducation gender-neutral.

Est-ce que je serais déçue si ma fille devenait fémino-féminine ? Non. Si elle l’est ce serait parce qu’elle le souhaite et non parce que je le lui ai imposé ou parce que je l’ai laissée croire qu’elle en avait le devoir, ou encore parce que je ne lui ai pas assez fait comprendre qu’elle n’a pas le devoir de se plier à tout ce que la société souhaite lui imposer. Si ça lui permet d’exprimer qui elle est, alors je suis tout cœur avec elle. Je l’ai dit et répété, mon souhait est de lui offrir un canevas sur lequel elle brodera ce qui lui plait et surtout ce qui lui parle.

Lorsque j’avais 14-15 ans je ne portais que des jupes au ras des fesses. Ma mère était désespérée. Aujourd’hui je ne porte des shorts mi-cuisse que lorsque je suis avec mon amoureux. Je me suis demandé pourquoi et la réponse est très simple. Je me sens en sécurité lorsque je suis avec lui. Mon habillement ne poussera personne à m’accoster sous des prétextes qui m’énerveraient quand il est là. La façon dont je me définis et dont je veux être perçue dans certaines situations ont orienté le port de mini-jupes il y a des années tout comme ça oriente ma relation aux mini-shorts aujourd’hui. Personne ne m’y a forcée, il s’agissait de mon ressenti. C’est ce que je veux pour ma fille.

Les hardcore me diront que mon choix de ne porter des vêtements révélateurs qu’en présence de mon conjoint est une manière pour moi de me plier consciemment ou inconsciemment aux normes sociales. Je répondrais que ce n’est pas parce que la conclusion est la même que l’argumentaire est pareil. Il ne s’agit pas de domination masculine (il n’en a rien à foutre que je marche en petite culotte dans la rue), mais de protection de ma personne (je ne suis pas au contrôle des pensées ou des actions du dragueur ou du violeur, alors je m’en préserve autant que je peux à mon niveau). Et oui, je partagerai ce point de vue à ma fille sans le lui imposer.

Ce n’est pas parce que la conclusion est la même que l’argumentaire est pareil. Ceci vaut également pour les choix que fera mon enfant.


Me confier la garde d’une fille est pour moi l’une des preuves que le Ciel, la Nature et la Providence ne ratent jamais une occasion de me briser pour que je puisse me dépasser. Elever ma fille est la tâche la plus importante, mais aussi la plus difficile de toute ma vie. Je la traumatiserai, je le sais, car à la fin de la journée tout enfant est plus ou moins traumatisé par l’éducation reçue de ses parents. Mon souhait est que ce traumatisme n’ait que des effets très, mais alors très mineurs sur sa propre définition de qui elle est et de ce qu’elle veut pour elle.

Photo : Ryutaro Tsukata


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6 comments
  1. La fin de la lecture me laisse presque effrayée, tétanisée.
    Je suis une femme, et je me questionne sur tout ce qui fait de moi « une femme ». Je pense à toutes les fois où j’ai été grondée enfant par ce que j’étais en jupe et que ma culotte se voyait, à toutes les fois où j’ai été « pressée » de me mettre en maillot de bain parce que je suis une fille et je dois montrer mes formes, ce que je « dois » aimer ou savoir faire parce que je suis née femme.
    Et puis j’effleure l’implication de ce texte du point de vue religieux. Où une femme est différente d’un homme, et est automatiquement affublée d’un certain rôle. Votre texte perturbe tous ces acquis, et honnêtement, je reste sur le sentiment de peur qu’il provoque en moi.
    En passant, vous écrivez très bien.

  2. J’aimé cet article parce que il dirige mieux ma reflexion sur ce qui est à l’origine cette disparité de genre dans la société qui conditionne les interactions sociales plus tard. Jusqu’ici mes réflexions m’ont amené à penser que les personnes de sexe féminin avaient/auraient plus de succès à être gender neutral ( ou gender fluid ou queer ) que ceux de sexe masculin parceque la masculinité est considéré comme goal et tourner le dos à ça et aux privilèges que ça offre c’est être faible .Pour une personne de sexe féminin on dira juste que c’est une lubie où une tentative d’avoir du pouvoir en mode  » c’est un garçon manqué ». C’est effrayant comme réflexion .
    J’éspère pouvoir apprendre à mes enfants(quand j’en aurais ) qu’ils peuvent jouir de l’autonomie de leur corps d’être humain fille comme garçon.

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