J’ai terminé le cours de Malcolm Gladwell sur Masterclass.
Si vous me lisez souvent ou me suivez sur Instagram, alors vous savez que je suis amoureuse du cerveau de ce monsieur. Son cerveau est l’une de mes âmes sœurs. Oui, je l’ai dit. Tout comme le cerveau de Seth Godin. Ça par contre c’est une toute autre histoire.
Je vous ai parlé de Malcolm Gladwell dans mon article sur les influenceurs inutiles, et aussi dans celui sur l’échec quasi certain des personnes qui pensent qu’on devient riche et célèbre en une nuit. Ses livres sont des sources de réflexions (et de productions) plus qu’enrichissantes.
Mais ne digressons pas.
Dans la vidéo de conclusion de son cours (qui compte quand même 22 vidéos), Gladwell parle de The Theory of Other Mind. Il l’a tellement bien expliquée que je ne sais si mon résumé lui rendra justice. En bref, il s’agit du moment où, vers l’âge de 2 ou 3 ans, l’enfant s’aperçoit que les personnes qui l’entourent ne font pas partie de lui.
C’est curieux n’est-ce pas ? En réalité un enfant ne dissocie pas sa personne de celle des autres. S’il crie, il estime que vous savez pourquoi (raison pour laquelle les bébés ne se gênent pas !). S’il a faim, vous avez faim vous aussi (raison pour laquelle certains enfants essayent à tout prix de vous enfoncer leur nourriture dans la bouche).
Vers 2 ou 3 ans l’enfant apprend par exemple à mentir. Ce n’est pas pour vous blesser ou parce que l’éducation que vous lui donnez n’est pas bonne. C’est parce qu’il réalise qu’il peut déformer la réalité. Il sait à présent que vous ne lisez pas dans ses pensées, vous n’êtes pas dans sa tête, alors il essaie de faire de vous ce qu’il veut. C’est plus un jeu de découverte qu’autre chose.
J’ai été tellement intéressée par cette théorie que je me suis documentée de manière extensive sur la question, et je vous invite à faire de même. C’est un concept fascinant. Je l’ai trouvé encore plus fascinant lorsque je me suis aperçue que pour le moment ce n’est pas au petit humain de réaliser que nous ne partageons ni le même corps, ni la même conscience.
C’est à moi de le faire.
Je suis fascinée par les autres, et pas forcément parce qu’ils ont quelque chose de particulier. Je suis fascinée par le fait qu’ils ne soient pas moi. C’est fou ! Ils ont chacun une vie, une histoire, des rêves, des attentes, des déceptions, des préférences. Comment est-ce possible ? Comment peut-il exister autant de diversité que d’êtres sur terre ?
Parfois je regarde par-dessus le balcon les gens qui passent dans la rue, et je me dis « Ils ne sont pas pareils. Ils sont totalement déconnectés. Chacun d’entre eux a une vie. Des problèmes. Chacun d’entre eux va dans une direction différente. Comment est-ce possible ? »
Oui, je fais ça.
Je me suis aperçue que je pensais que le petit humain et moi partagions la même conscience lorsque j’ai lu une publication Instagram sur le processus de découverte des enfants. Elle a été publiée par Myleik Teele qui disait en substance que son fils de 2 ans est sur Terre depuis 3 secondes par rapport à elle qui a 40 ans. Alors il fait parfois des choses qu’elle jugerait stupides. Sauf qu’il a besoin de les faire, ces choses, pour son développement et son processus de découverte. Elle est passée par là elle aussi. Ce n’est que normal.
Ça m’a renvoyée à une scène toute bête. Lorsque le petit humain se réveille dans la nuit ou le matin, je le prends dans mon lit pendant un moment, et il aime bien s’amuser avec le drap. Il le prend dans sa main et le balance de tous les côtés. Ça l’amuse, mais vraiment.
Au bout de la troisième nuit, j’ai commencé à me dire que ça devait être vraiment chiant pour lui de jouer avec un triste drap. Ça faisait quand même un bout, il était temps de varier. Alors j’ai commencé à ramener des jouets dans la chambre avant le coucher. Il aurait eu de la diversité au cas il se réveillerait.
Il avait ses jouets dans la nuit et s’amusait parfois avec, mais il semblait quand même préférer le drap. Là je me suis dit ça fait un bout qu’il a ces jouets, ils doivent avoir perdu tout intérêt pour lui ; il lui en faut certainement de nouveaux. Et je lui ai acheté des nouveaux jouets. Pas sur un coup de tête, vous me connaissez. Nous étions dans la bonne période de son évolution pour des jeux d’éveil plus adaptés à son âge.
Cet enfant avait de nouveaux jeux d’éveil, mais il préférait toujours le drap et n’avait pas cessé de bouffer ses anciens jouets, ceux de son tapis d’éveil, tapis qu’il avait outgrow depuis longtemps. Je pensais vraiment que ces nouveaux jouets auraient monopolisé son attention et qu’il aurait abandonné le drap déprimant et les anciens jouets qui semblaient pour moi faire partie de son passé.
Lorsque j’ai lu ce post Instagram, j’ai compris une chose essentielle. Mon enfant et moi n’avons ni les mêmes besoins, ni les mêmes attentes. Je pensais le savoir, mais ce n’était apparemment pas le cas. Je me suis toujours dit qu’il aura la latitude de faire ses choix de vie, que je ne lui imposerai ni mes espoirs, ni mes croyances et encore moins mes certitudes.
Je sais que je ne lui imposerai pas une filière, une profession, un style vestimentaire… Pourtant je me suis aperçue que mon comportement était celui d’un parent qui allait droit vers ce système. Penser que le petit humain et moi avons la même conscience c’est penser qu’il veut ce que je veux moi, et c’est me préparer inconsciemment à ce qu’il fasse ce que je veux moi qu’il fasse.
Le drap n’est pas quelque chose de monotone pour cet enfant. Au contraire. C’est fascinant. La possibilité de le tenir dans sa main est fascinante. La possibilité de le bouger dans tous les sens l’est encore plus. Tout comme les formes que prend ce drap ou l’air qui est brassé à chaque va et vient de son bras lorsqu’il joue avec. C’est un réel processus de découverte et il peut le faire pendant de longues minutes. Lorsqu’il en a marre il prend un des jouets de son tapis d’éveil et le met dans la bouche (est-ce que vous stérilisez vous aussi les jouets de vos enfants ? Je les trempe très fréquemment dans de l’eau très chaude.)
Les jouets de son tapis d’éveil son colorés, bruyants, faciles à prendre en main et encore plus faciles à mettre dans la bouche. Alors il le fait parce que c’est possible, parce que ça lui est agréable, parce que c’est son monde et c’est lui qui décide de ce qui est intéressant et de ce qui ne l’est pas.
Je lui ai acheté un jouet de son âge qui ne semble pas l’intéresser. Je vous assure que je suis allée jusqu’à me demander durant une fraction de seconde s’il y avait un problème, pourquoi il préférait des jouets supposés être adaptés pour des bébés plus jeunes. Puis je me suis rappelée que je me suis toujours, mais alors toujours promis de laisser cet enfant aller à son rythme. Son manque d’intérêt pour ce jouet ne signifie pas forcément qu’il a un problème de développement. Ça peut vouloir dire que le jouet n’est pas intéressant à ses yeux. Tout simplement. La preuve ? D’autres jouets de son âge ont son attention.
Je pense très souvent que le petit humain s’ennuie. Pourquoi ? Parce que moi je m’ennuierai dans un monde sans diversité. Sauf que pour qu’il apprenne la diversité, il doit commencer par apprendre à se familiariser avec ce qui l’entoure. Les enfants ont besoin de routines, de s’attacher à un environnement et de s’y sentir en sécurité.
J’ai traversé cette étape il y a des décennies, du coup j’ai parfois du mal à comprendre que quelqu’un soit encore à ce niveau. Je ne dis pas que je n’ai pas besoin de routine et de sécurité. Je dis que ce sont des choses qui chez moi se passent en back office. Je n’en ai pas forcément conscience et je n’y accorde pas forcément un temps de réflexion. Le front office est occupé à autre chose. Sauf que ce qui est mon back office est à plusieurs endroits le front office du petit humain.
Je ne suis pas mon enfant et mon enfant n’est pas moi.
Tout comme « Je ne suis pas l’autre et l’autre et l’autre n’est pas moi », cette phrase est devenue l’un de mes mantras. Je sais ce que je veux et ce que je m’évertue à faire : traiter ce petit exactement comme je souhaite être traitée. J’ai toutefois de nombreux blind spots, de nombreux comportements instinctifs dont je n’ai pas conscience qui ne sont pas forcément en accord avec ce que j’attends de moi-même.
Alors j’apprends au quotidien. Je m’observe, je l’observe, j’observe nos interactions, et je reste ouverte à tout retour constructif. Je répète constructif. Et je lis. Je lis beaucoup sur l’interaction parents/enfants. Il y a eu de nombreux couacs dans celles que j’ai vécues avec mes parents, ce qui a eu des conséquences plus ou moins dramatiques. J’en ai parlé dans l’épisode 7 du podcast intitulé Mal-être et dynamiques familiales.
Je l’ai dit plus d’une fois, je ne veux pas que mon histoire personnelle soit l’introduction de celle du petit humain. Je veux pour lui une histoire exempte de tares et traumatismes générationnels.
Photo : Auguste de Richelieu
PS : peu de gens le savent, mais il est possible de surligner des passages des articles, comme c’est le cas sur Medium. Ce serait bien d’utiliser cette fonctionnalité pour que je sache quelles sont les parties du texte qui ont retenu votre attention. Et puis, il faut bien que mon argent serve à quelque chose puisque j’ai payé pour cette fonctionnalité !
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10 comments
Oui, je fais çaomg same. twinz.
PS : peu de gens le savent, mais il est possible de surligner des passages des articles, comme c’est le cas sur Medium. Ce serait bien d’utiliser cette fonctionnalité pour que je sache quelles sont les parties du texte qui ont retenu votre attention. Et puis, il faut bien que mon argent serve à quelque chose puisque j’ai payé pour cette fonctionnalité !argent rentabilisé avec cette lectrice huhuhu
Elle a été payée pour ça, la fonctionnalité lol !!!
Une super maman que tu es là Be!
Bisous! Merci pour ce nouveau partage.
Je rougis !
Hi @Befoune
Très édifiant.
« Son manque d’intérêt pour ce jouet ne signifie pas forcément qu’il a un problème de développement. Ça peut vouloir dire que le jouet n’est pas intéressant à ses yeux. Tout simplement. » Ah ça! En voulant (presque obsessionnellement) le meilleur pour eux les enfants, je pense que plusieurs parents (en tout cas c’est le cas pour moi) oublient souvent que l’enfant c’est l’enfant, le parent c’est le parent, et encore que chaque enfant est u n i q u e.
C’est parfois incompréhensible, l’attachement que l’enfant peut avoir vis-à-vis d’un objet particulier (jouet ou pas), à nos yeux banal, désuet ou anodin; mais bon j’essaie de me faire à l’idée je ne peux pas tout comprendre, et que je n’ai pas toujours raison (pas facile, mais bon 😂). Tant que ça ne représente pas un danger pour lui, si manifestement ça contribue à son épanouissement, je laisse couler.
L’observation aide tant, permet d’apprendre tant de choses sur ces trésors dont nous avons la garde / l’intendance.
« Vers 2 ou 3 ans l’enfant apprend par exemple à mentir. Ce n’est pas pour vous blesser ou parce que l’éducation que vous lui donnez n’est pas bonne. C’est parce qu’il réalise qu’il peut déformer la réalité. Il sait à présent que vous ne lisez pas dans ses pensées, vous n’êtes pas dans sa tête, alors il essaie de faire de vous ce qu’il veut. C’est plus un jeu de découverte qu’autre chose. » Insightful! Belle découverte pour moi.
Merci
Bon retour parmi nous Menadus !
Merci, MERCI ☺️🙏🏾🙏🏾🙏🏾
« Je veux pour lui une histoire exempte de tares et traumatismes générationnels. » Goal!!!👌🏾👌🏾👌🏾👍🏾👍🏾👍🏾🙏🏾🙏🏾🙏🏾
Totally !