Epargner peut mener à des dépenses abusives.
Lorsque j’ai commencé mon nouveau boulot en janvier, j’ai défini des objectifs d’épargne qui m’auraient permis de mettre de côté une somme qui me satisfaisait pleinement. Elle était nettement plus élevée que celle que j’avais déterminée selon mon précédent revenu et j’avais de belles perspectives en termes de somme d’argent épargnée sur l’année.
Je ne cessais toutefois de me plaindre. J’avais des envies que je ne pouvais satisfaire, je voulais parfois m’acheter des choses basiques et je n’y arrivais pas parce qu’elles ne rentraient pas dans le budget prévu. J’étais frustrée, et plus encore. Mon salaire avait augmenté de manière significative, mais j’avais l’impression de serrer la ceinture encore plus qu’avant. La situation était difficile à supporter pour moi, et comme je l’ai dit précédemment je ne cessais de me plaindre auprès de mon compagnon. Je lui disais que j’en avais marre de me priver autant, que j’avais l’impression qu’au final ma situation financière n’avait pas changé, et je le vivais très mal.
Je refusais catégoriquement de me faire plaisir selon ses recommandations, car mes objectifs d’épargne n’allaient pas être atteints. La situation était intenable. Je trainais devant les magasins et je visitais les sites internet pour admirer la langue pendante ce que je voulais pour moi mais qui semblait m’être absolument interdit. J’ai fini de manière inconsciente par me créer une soupape de décompression : je m’autorisais parfois des « séances d’achats » sans compter parce qu’au final j’en avais assez mis de côté, alors je pouvais au moins m’autoriser cela !
Ce que je ne réalisais pas est que le montant dépensés lors de ces après-midis d’achats étaient parfois énormes. Je ne le réalisais pas parce que je les comparais aux sommes globales mises de côté, pourtant mon épargne était clairement ventilée (épargne pour le petit humain et autres) et ne pouvait être considérée de manière globale dans ce contexte. Par ailleurs, je me basais sur de l’argent mis de côté pendant un certain nombre de mois et je claquais sans compter en une journée. Ça semblait avoir du sens sur le moment, mais avec du recul…
J’ai vécu de la sorte jusqu’au jour où, avec le papa du petit humain, nous avons évalué le montant de mon épargne après 7 à 8 mois. Nous étions loin des objectifs définis. Je me suis demandé comment c’était possible, pourtant je serrais la ceinture plus que jamais ! La vérité est que mes « après-midis de folie » avaient eu un effet dévastateur sur mes prévisions financières. J’avais à mon compte moins de la moitié de la somme prévue. J’ai dû réévaluer tout mon système d’épargne, et je dois avouer que la pilule a été difficile à avaler. Les leçons apprises au cours du processus ont toutefois allégé le mal d’estomac.
J’ai par exemple réalisé qu’une augmentation de salaire survient dans un contexte précis. La situation dans laquelle on était lorsqu’on a commencé le précédent boulot et celle dans laquelle on est lorsqu’on commence le nouveau boulot peuvent être différentes. Dans mon cas, entre les 2 j’ai eu un enfant et je me suis installée avec mon mec. Les charges qui viennent avec ces 2 événements ne pouvaient être ignorées. Mon budget mensuel n’a pas changé, ce qui signifie que les besoins que je ne pouvais satisfaire à l’époque parce que je souhaitais épargner, et qui étaient à l’origine de la recherche d’une augmentation de salaire, n’étaient pas considérés. La frustration que je vivais est partie de là. Le nouveau salaire avait entre autres pour objectif de couvrir ces besoins-là, ce qui n’a pas été le cas. J’avais l’impression de ne pas avoir élevé mon niveau de vie et c’était vrai. Je continuais à ne pouvoir m’offrir, à ne pouvoir nous offrir ce à quoi j’aspirais, pourtant j’avais de l’argent pour cela.
Je me suis également aperçue lors de cette évaluation que j’avais défini le montant de mon épargne de manière arbitraire. Je me suis dit je veux mettre telle somme de côté par mois, et je veux cette somme sur mon compte épargne. L’épargne est la somme qu’on peut mettre de côté une fois qu’on a satisfait les besoins à satisfaire. Prélever arbitrairement une somme et se battre pour que les charges de la maisonnée ne dépassent pas un certain montant n’est pas la meilleure manière d’agir. Ce n’est pas le montant disponible qui définit les charges, mais plutôt les charges qui doivent définir le montant disponible, qu’il s’agisse d’aspiration salariale ou d’épargne.
Par ailleurs, la manière dont mon épargne est ventilée aurait dû être l’un des points focaux de tout ceci. Il y a une grande différence entre la somme globale que je peux épargner et la somme que j’épargne pour moi. Je voulais mon compte épargne personnel plein, ce qui n’était pas réaliste, car à côté il y a l’épargne pour le petit humain par exemple. Ce désir relatif à mon compte épargne personnel me poussait à me priver encore plus, car je semblais ne jamais atteindre mon objectif. La somme dans ce compte ne me satisfaisait pas, pourtant si j’additionnais le montant de toutes mes épargnes j’aurais réalisé que j’étais du bon côté de la rive. La peur inconsciente de manquer d’argent et donc de moyen de subsistance m’a tout simplement aveuglée. Je voulais voir les chiffres relatifs à mon compte personnel augmenter et rien d’autre ne m’intéressait.
Lorsque j’ai réévalué mes charges fixes je me suis aperçue que 2 choses cruciales manquaient. La somme que je m’allouais ne couvrait pas mes besoins personnels, et je n’avais pas de budget pour les loisirs avec le petit humain ou en famille, alors je prélevais de l’argent de mon allocation personnelle qui n’était déjà pas assez, une autre des causes de ma frustration. Parce que je ne voulais en aucun cas que le montant de mon épargne soit affecté, j’essayais de gratter de l’argent sur les différent budgets (charges fixes, charges non fixes, allocation personnelle), ce qui a conduit à une impossibilité de satisfaire quelque besoin que ce soit comme il le fallait.
Ce que j’ai fini par comprendre est qu’une augmentation significative du salaire ne signifie pas forcément une augmentation équivalente de l’épargne. Le niveau de vie que l’on souhaite pour soi et sa famille est un point central de la réflexion pour l’épargne, tout comme la satisfaction des besoins personnels.
Ayant connu les deux cas de figure, je peux dire qu’il est moins difficile de ne pouvoir s’offrir ce qu’on désire parce qu’on n’a pas d’argent que de ne pouvoir s’offrir ce qu’on désire alors qu’on gagne suffisamment d’argent. L’insatisfaction est grande. Epargner est plus que nécessaire, je ne le dirai jamais assez, mais il est tout aussi important d’épargner de manière réaliste. La raison principale pour laquelle je travaille n’est pas l’épargne. Je travaille pour pouvoir subvenir à mes besoins et ceux de ma famille. L’épargne, elle, me permet de m’assurer un avenir confortable parce que j’anticipe sur les montants nécessaires pour certaines dépenses futures. Je ne peux me focaliser entièrement sur mon avenir en faisant fi de mon présent. Je ne peux m’affamer en ce mois d’octobre parce que je compte manger en novembre, pourtant mon travail continuera de me permettre de manger en novembre. Cette façon de voir les choses n’a absolument aucun sens, pourtant elle a été la mienne pendant plusieurs mois.
Il est très facile de se retrouver piégé par sa grande envie d’épargner, et l’une des raisons de cela est le fait d’épargner sans objectif autre que celui d’épargner, d’amasser de l’argent. L’épargne doit avoir un but, sinon on se perd dans ce qu’on fait. Je l’ai réalisé lorsque Tchonté m’a posé la question toute simple de savoir pourquoi j’épargne. Je n’ai su que répondre. Je savais à quoi sert l’épargne pour le petit humain et l’épargne voyage par exemple, mais mon épargne personnelle n’avait aucun but. J’épargnais parce que je ne voulais pas manquer d’argent, sauf que je manquais d’argent à cause de cette épargne. Pour faire court je manquais d’argent parce que je ne voulais pas manquer d’argent. Je manquais d’argent parce que ne voulant pas manquer d’argent, je me suis tellement privée pour en avoir de côté que pour calmer ma frustration je dépensais d’un coup sans compter… et au final je manquais d’argent. Relisez la phrase si vous pensez ne pas avoir compris.
J’ai pris certaines mesures pour me sortir la tête de l’eau. J’ai premièrement accepté que ce n’est pas parce que mon épargne personnelle n’est pas énorme que je n’épargne pas. Je mets de l’argent de côté pour autre chose que cette épargne-là, et cet argent doit être considéré. J’ai également accepté que je travaille pour vivre aujourd’hui et préparer demain, et non pour préparer demain uniquement.
Le budget loisirs est très important. Il est important d’en définir un pour ne pas avoir l’impression de ne pas avoir le contrôle sur notre allocation personnelle qui s’envole en fumée pour autre chose que ce que nous voulons pour nous (chaussures, chocolats, livres, ce que vous voulez). Il ne faut pas non plus tomber dans le piège du gros budget loisirs et la grosse allocation personnelle. Il faut trouver l’équilibre. Le modèle que je teste en ce moment est le suivant : je n’ai pas augmenté mon allocation personnelle qui semble plus élevée étant donné qu’elle ne couvre plus les loisirs familiaux. Lorsque je veux m’acheter quelque chose de particulier je le budgétise dans le cadre des charges particulières du mois.
Ce mois-ci par exemple j’ai voulu m’acheter des produits de cheveux et un nouveau sac à main. Ce ne sont pas des dépenses que je ferai tous les mois et qui nécessitent donc une augmentation de mon allocation personnelle. La charge en est une pour ce mois-ci uniquement, alors elle est considérée comme telle. Ceci ne signifie pas que je créerai une dépense de ce type tous les mois. Je le ferai selon mes besoins, l’idée n’est pas de me comporter en héritière saoudienne, non.
En ce qui concerne mon épargne personnelle, le montant a été réduit parce que, comme je l’ai dit au départ, il n’était pas réaliste. Je compte définir une nouvelle épargne à but précis, je n’ai pas encore décidé laquelle. Je préfère avoir une somme raisonnable à disposition (épargne plus ou moins accessible) et de l’argent de côté qui a un but précis (épargne inaccessible). Savoir exactement pourquoi on épargne fait partie des moyens qui permettent d’éviter le sentiment de privation.
La barrière la plus solide que j’ai mise en place est demander de l’aide. J’ai demandé au papa du petit humain de m’aider à gérer mon argent au cours des prochains mois. Qu’il soit budgétisé ou non, aucun achat n’est fait sans qu’il n’en soit informé au préalable. Il évalue la nécessité de l’achat et me dit s’il en vaut vraiment la peine ou non. Le mec est le roi de l’épargne, alors je sais que je suis entre de bonnes mains.
Dernier point : permettre à son conjoint ou à sa conjointe d’avoir un droit de regard sur la gestion de nos revenus n’est pas dévalorisant, tout au contraire. Si des bases saines ont été établies et que l’idée n’est pas de profiter de l’autre (qu’il s’agisse du mec ou de la meuf, ou même des deux), le travail d’équipe est un élément sur lequel on ne devrait pas hésiter à se reposer. N’oublions pas que l’objectif est de construire une vie à deux.
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6 comments
Mais moi je fonctionne comme ça avec mon agenda 😀
Merci pour le point sur épargner avec u but
Courage a nous !
C’est au top ton article. Merci infiniment
Merci a toi d’avoir pris le temps de le lire !
Je suis tellement heureuse de te relire. La fiche de budget trimestriel que tu as mis sur pied m’a aidé à régulariser mes dépenses et je dois avouer que je suis assez rigoureuse et jusqu’à présent j’ai pas eu de soucis. Beaucoup de courage en tous cas. Demander de l’aide quand on en a besoin pour moi c’est essentiel.
Merci Diane, c’est vrai que ca fait un bout que je n’avais rien publie ici…