Trois lettres.
NON
Ce mot semble facile à lire et à dire n’est-ce pas ? Pourtant il ne l’est pas. Non.
Je partage mon bureau avec un jeune homme très charmant. Aussi charmant que candide. Notre supérieure hiérarchique l’adore. Mais il ne le sait pas. Elle lui fait refaire des tâches déjà faites des dizaines de fois. C’est le même scénario chaque fois. Elle ouvre la porte en coup de vent et lui dit “Rédige les rapports de ci ou de ça et envoie les-moi par mail !” Il la regarde d’un air désespéré et lui dit “Ce sera fait tout de suite.” Et quand elle sort du bureau, il me dit “Mais j’ai déjà rédigé ces rapports quatre fois !”
Quand elle lui dit “Rédige et envoie”, il fait exactement ça. Il rédige et envoie. Il ne renvoie pas le document déjà rédigé. Il rédige une nouvelle fois, pensant que si elle le dit, alors elle a rejeté les précédentes versions. Sauf que dans son bureau elle se marre à en pleurer. La vérité est qu’elle est très maternelle, et agit ainsi pour lui apprendre une seule chose. Dire Non. Ce qu’il a trop peur de faire. Ça va à l’encontre de son éducation, de la politesse et de ses valeurs. On ne dit pas Non à un aîné. On ne dit pas Non à ses supérieurs hiérarchiques. On ne dit pas Non.
Vous allez certainement en rire et vous dire qu’il est trop ci ou il est trop ça. Pourtant il est parfaitement normal. Si vous avez des notions de philosophie ou si vous êtes un adepte de Freud, alors vous comprendrez ma prochaine phrase. Il est dominé par le Surmoi.
Il m’est souvent demandé comment je fais pour ne pas me soucier des normes sociales, religieuses ou issues de mon éducation. Ne nous méprenons pas, je suis par exemple très attachée à la politesse et au respect. L’omission d’un s’il-te-plait ou d’un bonjour peut valoir dans ma réalité un bannissement à vie. Sans aucun clignement de sourcil.
J’étais un mélange de docilité et de révolte interne dans mes jeunes années. J’ai toujours eu un rejet immédiat pour l’autorité, mais à l’époque je n’avais pas le droit de le dire. Ou, plus exactement, je ne me donnais pas le droit de le matérialiser. Aujourd’hui, la meilleure manière de me faire ne pas faire quelque chose c’est de me l’ordonner. Personne ne m’ordonne quoi que ce soit. Pas ma mère. Pas mon père. Pas ma soeur. Pas mes frères. Pas mes supérieurs hiérarchiques. Je ne me soumets pas à des ordres. Par contre ils ont la possibilité (pas le droit) d’émettre des avis dont je tiens compte… ou pas. Personne ne sait mieux que moi ce que je veux et ce dont j’ai besoin.
Ceci s’applique également à ma “situation d’employée”. Personne ne me fait faire quelque chose qui altérera la qualité de mon travail. Mes contrats sont clairs, et si je les ai signés, j’ai un devoir de résultats optimaux selon les stipulations mentionnées. Je suis la personne la plus dissipée lors des réunions. En réalité je m’en fous parce que je les trouve inutiles. Elles perdent mon temps. Donc je travaille pendant que les autres piaillent. Je n’interviens que lorsqu’une décision affectant la qualité de mon travail est approuvée. Et uniquement pour dire que je n’en tiendrai pas compte.
Ça peut sembler irrespectueux n’est-ce pas ?
Ça ne l’est pourtant pas à mes yeux. Le respect que j’ai pour moi-même et pour ce que je fais va bien au-delà de tout élément social ou hiérarchique. Le respect que j’exige par rapport à mon travail n’a pas de prix. La médiocrité m’horripile. Pas celle des autres, ils font ce qu’ils veulent de leur vie. Je ne peux me permettre d’être médiocre. Oui, je suis obsédée à ce point. Je peux être déprimée, mais pas médiocre. C’est aussi simple que ça.
Mais revenons au Surmoi.
C’est la pire chose au monde. Les normes imposées par l’éducation, la religion, la société et par la peur de ne pas être un élément homogène de l’ensemble nous obligent à faire tellement de choses qui nous desservent. Par exemple, elles nous font penser que nous avons le devoir de respecter tout aîné. Non. J’ai un devoir humain de courtoisie, pas de respect. Le respect se mérite. Je me fiche de savoir qui est en face. Si la personne n’est pas digne de mon respect, elle ne l’aura pas. Ça ne va pas plus loin que ça.
Le Surmoi nous fait faire des choses impensables. On se fait marcher dessus parce qu’au fin fond de notre inconscient, il a été imprimé depuis nos plus jeunes années qu’une femme ne doit pas… un homme doit… un enfant ne doit pas… en société on ne… au travail on doit… Le Surmoi se nourrit d’interdits. Plus il y en a plus il se solidifie et paralyse.
Je glorifie le Ça.
Si je devais me prosterner devant une idole, ce serait sans aucun doute le Ça. L’état de nature. Le fondement même de l’égoïsme. Le berceau de l’individualité. L’état premier. Le Ça. Il ne se soucie de rien d’autre que du soi. C’est pourquoi les bébés se foutent éperdument de votre sommeil et exigent de jouer alors que vous êtes sur le point de vous évanouir de fatigue. Le Ça en puissance. Moi d’abord. Le reste se gère tout seul.
Bon après je le dilue un petit peu au Moi, ce côté supposé faire de l’être Ça un animal social. J’y suis bien obligée. Sinon je peux retourner direct à la configuration préhistorique. Je tiens compte de l’existence des autres, sans les laisser interférer, bien entendu. Je ne jetterai pas mes peaux de bananes sur le costume blanc d’un passant par exemple. J’ai quand même de la tenue. Mais sans excès. J’y fais attention !
Trêve de philosophie.
Je ne me suis pas défaite de l’emprise des normes en une nuit. Il m’a fallu trois années par exemple pour me défaire des dogmes religieux (non, je n’irai pas plus loin, la religion n’est pas un sujet sur lequel j’accepte de débattre hors du cadre très restreint établi. Je ne vous ferai qu’une seule confidence : j’ai longtemps voulu être soeur et j’étais sur la bonne voie pour y arriver !). Il m’a fallu deux années environ pour apprendre à dire Non. Ce Non dont je parle au début du texte. Il m’a fallu apprendre et intégrer le fait que dire Oui à l’autre c’est parfois me dire Non à moi. Ça a été le plus dur.
Il m’a fallu bien plus de deux ans pour comprendre que je n’existais pas. Je n’étais rien d’autre que le fruit de la volonté des autres. Il ne fallait pas fâcher. Ils savaient mieux que moi. Il ne fallait pas être rejetée. Il fallait être gentille. J’étais ce qu’on appelle en anglais un people pleaser. J’ai fait des choses absurdes pour plaire. Mais vraiment. J’ai documenté des pépites dans cet article. Je n’y crois pas moi-même. Je viens de loin !
Dans ce processus, il y a deux choses qui m’ont vraiment aidée.
La première est l’éthique de travail. C’est à dessein que je ne dis pas éthique professionnelle. Ma notion du travail va bien au-delà de la profession. J’en parlerai certainement dans un prochain texte. Tout travail doit être fait et bien fait, surtout si on s’est engagé à le faire. Je l’ai appris de Myleik Teele. Oui, encore et toujours elle. Une réputation ne s’achète pas. C’est la seule chose de vous qui reste dans une salle quand vous n’y êtes plus. C’est la raison pour laquelle j’ai dit plus haut que quelle que soit la hiérarchie, il est hors de question que la qualité de mon travail soit altérée.
La deuxième a été non seulement de voir qu’il était possible de vivre selon ses propres termes, mais surtout de voir que des gens ont réussi à s’affranchir et vivent dans la plus parfaite sérénité. Le mot “Voir” est en italique parce qu’entendre dire n’est pas suffisant pour convaincre. J’ai vu de mes yeux et j’ai été séduite. Si ça vous intéresse, j’en parle plus longuement ici.
Il est temps pour moi de partir de ce bureau, donc je vais devoir vous quitter. Je ferai un live de 20h à 20h 30 demain (jeudi 25 octobre 2018) sur Instagram. Il portera sur mon aventure sur Medium et les différents sujets que j’y aborde. Elle dure depuis deux ans déjà. Je serai ouverte à toute question relative à mes écrits ou à… ce que vous voulez. Venez faire un tour !
Oh ! Mon nom sur Instagram est @c_befoune
Hello, mon nom est Befoune et le Ça est mon maître. Partagez cette histoire si vous l’avez aimée. Partagez-la quand même si ce n’est pas le cas. J’ai besoin d’encouragements. Vraiment.