Comment facturer ses services ?

11 minutes

Dans cet article du Money Series, nous ne parlerons pas de gestion des finances personnelles.

Ou plutôt si, mais d’une manière détournée.

Nous parlerons de la base sur laquelle je facture mes services.

Dans le monde des créateurs de contenu, cette question revient souvent. Elle m’a été directement posée par Tchonté Silué. J’étais supposée lui répondre dans une vidéo sur mon IGTV, mais au final je préfère l’écrire.

Avant de continuer, il faudrait peut-être que je liste les activités génératrices de revenus dans ma vie : mon travail, la traduction, la création de contenu, les interventions dans des panels. La création de contenu est très vaste en réalité. Il peut être question de rédaction d’articles pour des médias ou de documents de recherche pour des institutions. Il peut également être question de créer du contenu pour les réseaux sociaux (Twitter majoritairement), ou encore de faire office de rapporteur pour des rencontres de haut niveau.

La facturation s’effectue sur plusieurs bases. Je listerai les plus importantes ici, et si vous en avez d’autres, n’hésitez pas à les partager en commentaires.

  • Le temps que prend l’activité.

Ceci est très important pour moi lorsqu’il s’agit de revenus réguliers, c’est-à-dire un salaire régulier, et donc un travail régulier. Si le travail que j’ai ne me permets pas de consacrer du temps à d’autres activités génératrices de revenus, alors il doit couvrir les potentielles rentrées d’argent obtenues de ces activités manquées.

Si ce travail me laisse la possibilité de faire autre chose, c’est-à-dire que je peux voyager et honorer d’autres contrats, alors il doit couvrir au moins tous mes frais mensuels et mon épargne minimum. Je vous l’ai dit, je ne vis que de mon salaire, quel qu’il soit. Le reste n’est qu’extra et je n’y touche généralement pas. Je dois avouer que ça n’a pas toujours été ainsi. A une époque de ma vie j’ai vécu comme un véritable Saoudien !

Pour ce qui est des contrats de traduction par exemple, le temps que prendra l’activité dépend du nombre de mots du document à traduire. Alors la facturation se fait au mot, tout simplement.

  • Le niveau de connaissances et de compétences requis pour l’activité.

Le designer camerounais Bine Moukouri le dit très souvent : « Ce n’est pas parce qu’il m’a fallu 5 minutes pour faire un logo qu’il est gratuit. Il m’a fallu des années de travail pour pouvoir faire un logo en 5 minutes. » Je pense que ceci exprime parfaitement ma façon de voir les choses à ce niveau.

Si c’est un article commandé, c’est-à-dire que si je l’écris pour satisfaire un besoin autre que le mien, alors il est facturé, même si je l’écris en une soirée. S’il m’a fallu des heures de lecture et une accumulation d’informations sur des années pour alimenter un article, alors il sera facturé en conséquence. S’il me faut faire des recherches supplémentaires, extensives ou non, ceci sera pris en compte dans la facturation.

La facturation des contenus publiés sur mon Twitter est plus délicate. Jusqu’à récemment, Twitter n’était pas pour moi qu’un réseau social. J’y partageais des informations de qualité triées sur le volet et filtrées, un travail minutieux. Mon Twitter a été orienté informations et contenu de haute facture depuis le départ. Je n’y fais pas de blague, je ne relaie que des informations qui parfois nécessitent beaucoup de temps, qu’il s’agisse de débusquer les meilleurs rapports, de les lire ou de les synthétiser.

Ce travail m’a valu une certaine base de followers que beaucoup convoitent. Je suis parfois approchée pour des campagnes sur des journées ou des semaines. Sauf que je n’accepte que très peu de ces offres. Je n’en ai pas accepté plus de 4 jusqu’ici. Si le contenu n’est pas en accord avec la ligne éditoriale de mon Twitter et que je ne crois pas personnellement au projet, je ne tweete pas. Je refuse, tout simplement. Ces contrats-là sont facturés en tenant compte du temps qu’il m’a fallu pour asseoir ma crédibilité sur le réseau social. Et il en a fallu, du temps, mais aussi des heures de lecture, et de l’argent dépensé pour avoir accès à nombre des informations diffusées.

Je tiens à ce niveau à parler des invitations aux événements qui ont pour réel but de la création de contenu pour les réseaux sociaux. De nombreuses organisations envoient des invitations en laissant croire qu’elles souhaitent absolument que vous y assistiez, alors qu’en réalité, vous sachant Tweeteur compulsif, le véritable but est de toucher votre base de followers. Je ne me laisse plus prendre au piège. Quand j’ai du temps libre, je vais à ces événements et je ne fais pas le moindre tweet. Je ne vous parle pas des plaintes après ! Sauf que si vous souhaitez que je live tweete il faut le demander clairement, et discuter des termes d’un contrat si jamais je décide qu’il est préférable pour moi de me faire payer pour cette activité.

  • Les opportunités qu’offrent l’activité.

Je ne me fais pas payer pour tout, et je ne me fais pas bien payer pour tout. Il m’arrive d’effectuer des tâches horriblement pénibles sans demander le moindre paiement ou sans rechigner devant un paiement inférieur aux efforts requis. Ceci se fait lorsque les portes que m’ouvrent cette ligne sur mon CV sont intéressantes, lorsque la seule mention de la tâche peut me faire avancer professionnellement parlant. L’argent n’est pas gagné sur le champ, il est juste différé.

J’évite de ne penser qu’en termes de gains immédiats, ce qui m’a permis de pratiquer des activités dans des domaines divers sans me sentir utilisée, car je sais qu’au bout du tunnel je valoriserai chacune de ces expériences. Ce que j’évite par contre, c’est de tomber dans le piège de la flatterie car, comme le dit Jean de La Fontaine, tout flatteur vit au dépens de celui qui l’écoute.

Dans le cadre de la création de contenu, la flatterie la plus courante est l’offre de visibilité. Une fois, le directeur d’un Think Tank anglais m’a contactée. Il souhaitait que je rédige un article de fond sur le background politique au Cameroun, un document qui nécessitait que je fasse appel à des informations accumulées sur des années, mais aussi que je fasse des recherches poussées. Son offre ? La visibilité. Grâce à cet article je serais peut-être (rien n’est sûr) contactée par des médias de renom tels que RFI, BBC, Voice of America et bien d’autres encore.

Je n’ai pas répondu sur le coup. Il m’a fallu passer toute une journée, puis dormir toute une nuit histoire de me calmer pour pouvoir répondre de manière plus ou moins polie. Je lui ai dit que si j’avais été invisible il ne m’aurait jamais trouvée là où il m’a trouvée. Par ailleurs, tous les médias cités avaient déjà obtenus au moins une interview de moi dans des domaines divers, alors je n’étais pas impressionnée, surtout que j’avais décidé de limiter mes interactions médiatiques (je devrais peut-être en parler dans un article). J’ai conclu en disant que je ne rédigerais pas le texte, mais que j’espérais que quelqu’un le ferait et c’est avec un grand plaisir que je lirais.

J’ai failli oublier. Je n’ai pas omis de lui préciser qu’il serait préférable de ne plus aller vers un créateur de contenu en lui offrant de la visibilité, car c’est très insultant. Il avait besoin de mon travail et devait se l’avouer et me l’avouer. La vérité est que j’aurais pu écrire ce texte sans demander à être payée. Le sujet était chaud et j’avais à dire. Mais la méthode employée a été disgracieuse. Je ne me laisse pas diminuer, quelle que soit l’offre sur la table.

A tout créateur de contenu : ces organisations qui viennent vers vous avec des montants minables ou parfois rien du tout en vous promettant qu’une collaboration avec vous vous est plus bénéfique qu’à eux se foutent de votre gueule. Point. Aucune organisation ne fait de la charité. Si elle n’avait pas besoin de vous, alors elle ne vous aurait jamais contacté. Pensez à vos intérêts (financiers ou autres) exactement comme elle pense aux siens. Sinon vous serez toujours perdant. Très occupé, très actif et très productif, mais perdant.

  • Les bénéfices que tirera l’employeur de mon travail.

Ceci est valable pour tout travail. Je préfère ici prendre exemple sur Bine Moukouri une fois de plus. Un logo peut être fait en 5 minutes, mais il représentera l’identité d’une marque pendant des années, et parfois toute la vie de la marque. Ce qu’en tire la personne qui le commande est grand. Très grand même. Et la facturation doit être à la mesure de cette grandeur.

Si je dois écrire un texte de présentation d’une entreprise, un texte qui lui donnera vie et qui fera partie de son identité, même si le texte ne fait que 10 lignes, il sera cher. Point.

  • La valeur que je me donne.

De nombreux créateurs de contenu pensent que ce n’est pas un véritable travail, alors ils ont parfois peur de facturer leurs services. J’ai été de ceux-là. Il y a longtemps. L’exercice ici est difficile : savoir ce qu’on veut sans tomber dans la survalorisation de soi, sans laisser son ego prendre le pas sur la raison.

Le premier pas est la connaissance de la valeur d’un contenu créé par soi. Si les gens lisent dans un tweet que vous êtes l’auteur d’un article, cliquent-ils dessus ? Ont-ils confiance en la véracité des informations ? Interagissent-ils ? Partagent-ils ? Ça peut sembler tout bête, mais ceux qui vous approchent le font parce qu’ils ont étudié ces paramètres.

Si vous portez une campagne, votre image rassure-t-elle l’audience ? Pour ce qui est de Tchonte qui m’a posé la question à l’origine de cet article par exemple, je lui fais toute confiance lorsqu’il s’agit de lecture et d’éducation. J’étendrai le champ en parlant de la condition de l’enfant. C’est certainement la raison pour laquelle elle participe aux activités de l’UNICEF en Côte d’Ivoire. La question que je me pose par contre est de savoir si elle a conscience de sa valeur dans ces domaines.

Il ne s’agit pas ici de frime. Un maçon ne rougira pas avant de vous donner le prix d’un parpaing. Il connait la valeur de son parpaing et le travail requis pour le fabriquer. Les créateurs de contenu doivent considérer leur travail de la même façon : quelle est la valeur de ce que j’apporte ? Quelle est la qualité des informations que je diffuse ? Jusqu’à quel point mes opinions sont-elles informées ? Quelle est ma crédibilité dans le milieu ? De quelle notoriété est-ce que je jouis ?

Tout a changé dans ma tête lorsque j’ai commencé à me poser ces questions.


Ces 5 points résument assez clairement non seulement comment, mais aussi pourquoi je facture mes services. Je ne serai donc pas plus longue. Si vous avez d’autres astuces pour optimiser la facturation de vos services, n’hésitez pas à les partager en commentaire.


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11 comments
  1. Hello Bef,
    Très heureux de te retrouver après ce long moment passé dans l’ombre. Je pense que j’ai un peu trop saturé mon emplois de temps. Mais revenons à toi. As-tu déjà songé à monter ta propre boîte ? A toi seule ma grande tu est une marque au même titre que Chanel et Dior et tes valeurs se doivent de perdurer dans l’espace et le temps.

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