Est-il vraiment possible de faire changer d’avis à quelqu’un qui veut mourir ?
J’avais un petit peu le blues ce soir, alors j’ai voulu regarder une Rom-Com (ou comédie romantique pour les non-initiés… oui, j’ai lu la biographie de Matthew McConaughey qui m’a familiarisée avec la terminologie du milieu !). J’avais besoin d’un truc à l’eau de rose pour m’évader un petit peu, alors j’ai regardé le film Me Before You.
La première chose qui m’a frappée a été de voir l’actrice qui a brillamment joué le rôle de Daenerys Targaryen affublée de fringues colorées, et le père Lannister en costume. Nous ne sommes pas ici pour parler de Game of Thrones… mais je me dois d’ajouter que j’en suis encore toute retournée.
Le film est intéressant. Digeste. Avec une fin peu commune pour les rom-com. L’histoire est toute simple, je promets de ne pas spoiler pour ceux qui voudraient le regarder : un jeune homme souhaite mettre fin à sa vie, et une jeune femme veut l’en empêcher au nom de l’amour. Ça semble léger brièvement raconté de la sorte, mais je dois vous avouer que j’en ai encore les yeux rouges, tellement j’ai pleuré !
L’intrigue a ravivé une réflexion née d’une discussion que j’ai eue avec un ami il n’y a pas si longtemps de cela. Il a rencontré une jeune dame et a envisagé une relation avec elle. Elle avait tout pour elle selon les attentes du monsieur, mais ils divergeaient tous les 2 sur un point : elle ne veut pas avoir d’enfant, et lui souhaite en avoir dès que possible. Au cours de notre échange il m’a dit que bien qu’elle semblait catégorique, il pensait pouvoir l’emmener à changer d’avis au fur et à mesure que la relation se poursuivrait.
Je lui ai posé une question : penses-tu toi ne plus vouloir d’enfant au fur et à mesure que la relation avancera ? Surpris par ma question, il a répondu non. Alors je lui ai demandé pourquoi il pensait qu’elle changerait d’avis alors qu’il avait la certitude que ce ne serait pas le cas pour lui ?
Peut-on vraiment, au nom de l’amour, emmener quelqu’un à changer d’avis sur un point qui est pour le ou la partenaire un pilier fondamental de vie (ou de mort comme c’est le cas dans le film) ? Selon mes observations, ceux qui se trouvent du côté de ce que j’appellerais « les vérités établies » ont souvent cette certitude. Je parle ici de ceux dont l’avis est socialement accepté.
Ne pas vouloir mourir est une vérité établie, alors celui qui veut mourir entendra certainement raison si on l’aime assez pour le conduire sur le droit chemin. Il en va de même pour le fait de vouloir des enfants. Vivre heureux c’est vivre selon les principes acceptés, et l’amour, qui serait socialement le point culminant du bonheur, est le meilleur socle pour ces principes.
Tout au long du film je me suis demandé si jeune dame s’était mise à la place du monsieur. Avait-elle réellement pris le temps de comprendre les raisons de son choix, son besoin de ne plus vivre, et surtout de mourir selon ses propres termes, d’une manière choisie par lui et pour lui ? Elle l’a traité (oui traité et non qualifié) d’égoïste lorsqu’il lui a révélé que rien ne l’emmènerait à changer d’avis, pas même son amour à elle (est-il finalement mort ? Mystère et boule de gomme, il faudra regarder le film pour le savoir !).
Qui est le véritable égoïste, elle ou lui ? C’est bien évidemment elle ! Pourquoi quelqu’un qui voudrait s’ôter la vie devrait-il changer d’avis pour la simple raison qu’elle l’aime et envisage une vie avec lui ? Pourquoi devrait-il se forcer à vivre pour son plaisir à elle ? Il est fort possible qu’il aime rester à ses côtés s’il décide de vivre, mais son bonheur sera-t-il complet ? Est-ce vraiment être heureux de se réveiller tous les matins et de se dire « un jour de plus pour elle, et seulement pour elle » ?
Tout ceci me fait également penser au pouvoir attribué non pas à l’amour, mais aux sentiments que l’on porte à une personne. Parce que je l’aime il ou elle changera. Qui aime-t-on dans ce cas ? L’illusion de la personne déjà changée qui ferait notre bonheur ou celui ou celle devant nous dans toute son entièreté qui ne nous satisfait pas ? Je me suis posé cette question lorsque j’ai passé ma vie amoureuse en revue et que je me suis aperçue que je pensais que la force de mes sentiments rendraient certains fidèles ou plus respectueux. La réponse est j’ai aimé l’illusion que je me suis faite d’eux, tout comme mon ami s’est attaché à cette jeune dame parce qu’il a inclus la possibilité d’en faire un parent, et aussi comme la jeune fille du film qui a aimé la vie qu’elle aurait pu avoir (ou dû avoir, c’est selon), avec un homme qui n’en envisageait aucune pour lui-même.
Je terminerai ce court texte par une anecdote. Une maman m’a affirmé une fois que son enfant, attiré par les personnes du même sexe, changerait parce qu’elle l’emmènerait à changer, à lui faire comprendre que « ceci n’est pas sa voie, la vie à laquelle il est destiné ». Elle m’a reproché de n’être d’aucune aide pour elle parce que je ne rejetais pas les préférences de son enfant, parce que je ne lui faisais pas entendre raison, parce que je ne lui disais pas que son « comportement » est mauvais. Tout comme à mon ami, je lui ai posé une seule question : si depuis ton enfance ta couleur préférée est le rouge, et que j’exige qu’à partir d’aujourd’hui tu détestes cette couleur et fasse du jaune ta couleur préférée, y arriveras-tu ?
Je partage ici le trailer du film, au cas où vous seriez assez curieux pour le regarder :
Photo : Stephen Gitau
Digressions n’a aucun compte sur les réseaux sociaux et je n’y suis plus active non plus, une situation qui n’est pas près de changer. Pour vous tenir informés des activités ici, abonnez-vous au blog et au podcast qui y est associé, Les Papotages de C, disponible sur le blog sur toutes les plateformes d’écoute de podcasts. Je suis disponible par mail à l’adresse mesdigressions@gmail.com.
Les livres et l’acquisition de connaissances pour une meilleure compréhension du soi et des dynamiques sociales dans leur ensemble sont la base de tout contenu que je produis. Si la consommation de mon contenu t’a été utile de quelque manière que ce soit, alors soutiens mon travail et sponsorise l’achat de livres.
4 comments
Me Before You.. je l’ai vu 3-4 fois deja y’a quelques annees et je pense je ne le regarderai plus. Malgré le coté un peu mievre et leger (mais c’est le principe) c’est un des films que je préfere dans le style. Une Rom-Com oui, pour moi ca reste tel malgré la fin qui pousserai beaucoup à vouloir le changer de catégorie.
Ton debut de texte m’a juste fait penser à Riky Rick (R. Makhado) un artiste/rappeur qui s’est suicidé en fevrier 2022. Je ne présume pas qu’il il y’a pensé tres longtemps ou encore qu’en choissisant d’epouser son amour de jeunesse il faisant ce que will a refusé. Mais il est certain que la question se pose parceque sa depression profonde et chronique ne date pas d’aujourdhui. Une autre chose qui est certaine c’est une partie du contenu qu’il laisse à sa femme et à chacun de ses enfants où tout manque sauf l’amour. Son amour pour eux était limpide jusqu’à la fin et pourtant il a aidé un jeune pour un clip, passé un message video au moment de l’interview backdtage, a fait un post instagram, ecrit à chacun des membre de sa famille et est mort par strangulation.
Il y’a pas de lecon.. juste des faits à integrer.
Avons nous la voix pour nous dire? Avons nous l’esprit moins formaté pour accepter que le cadre qu’on nous montre n’est pas la seule réalité?
Bonne hybernation à toi
Pourquoi ? Tu sembles l’avoir vraiment apprecie pourtant !
J’ai vu Me before you près de 5 fois avant de me lancer dans la lecture du roman, ou plutôt de la saga, car il y a trois tomes. J’en avais voulu à Will d’avoir « été égoïste dans son choix » mais le livre a complètement changé ma perception de la chose.
On comprend mieux qui il est et ce qui justifie sa décision. Parce que finalement, Louisa aura beau le couvrir d’amour, la douleur et le mal-être, c’est lui qui le ressent et ce quotidiennement. Pour quelqu’un comme lui, pour qui la vie est une aventure à vivre et célébrer de manières aussi dangereuses les unes que les autres, se retrouver dans cet état n’est pas vivre.
Dans les tomes 2 et 3 on va suivre Louisa dans ce qui va être « sa nouvelle vie ». Will y reste toujours mêlé et bien que n’ayant pas toujours été d’avis avec tous ses choix, c’était vraiment instructif et gratifiant de la voir apprendre, aimer et vivre, selon ses propres choix et envies.
J’ai écrit une chronique ou je partage un peu pêle-mêle mes impressions sur cette trilogie. C’est toujours compliqué de ne pas spoiler.
Aimer c’est aussi respecter le choix de l’autre et c’est respecter l’autre. On change pour soi. J’ai vu et revu ce film à plusieurs reprises et c’est l’un de mes préférés. Il me lui a pas menti et des le départ il était clair sur son plan de mort.