Est-il possible de rayer définitivement de notre vie un parent qui nous a fait du mal ? Quand je parle de parent, je parle de père et/ou de mère. Est-il possible de rayer son père et/ou sa mère de sa vie ?
Parenting
Pourquoi j’ai choisi une éducation gender-neutral pour mon enfant
« The heated debates about Homo Sapiens « natural way of life » miss the main point. Ever since the Cognitive Revolution, there hasn’t been a single natural way of life for Sapiens. There are only cultural choices, from among a bewildering palette of possibilities. »
Yuval Noah Harari
Quel est le regard que je porte sur mes parents ?
Cette question me trotte dans la tête depuis quelques jours.
Ce qui n’est que normal, étant donné les récents événements.
La relation parents-enfants ne m’a jamais vraiment intéressée. On y pense généralement que lorsqu’on se considère soi-même comme un (futur) parent, ce qui n’a pas été le cas pour moi. Je n’ai donc jamais vraiment pris le temps de réfléchir aux répercussions des actions et décisions de mes parents sur moi, car il n’était ni question de reproduction, d’amélioration ou d’exclusion.
Le fait de porter un enfant m’a obligée à me tourner vers ce pan aussi inconnu qu’ignoré. La question de fond était quelles sont les véritables raisons pour lesquelles je ne veux pas d’enfants, pourquoi est-ce que je ne veux pas fonder de famille ? Le processus a été déchirant. Il m’a fallu déterrer des souvenirs que je ne savais même pas avoir, des aversions qui m’étaient inconnues. Peut-être pas inconnues, mais trop enfouies pour que je prenne conscience de leur existence.
Mon refus de fonder une famille vient de croyances personnelles et d’attentes de la vie qui ne cadrent pas avec une appartenance à une famille pas qui serait mienne, car je fais partie d’une famille, mais dont je serais à la tête. Ma vie a été cadrée selon des principes de liberté et d’égoïsme profondément ancrés dans mon subconscient. Mais que je le veuille ou non, la base de ce refus d’être mère est familiale.
Mes parents ont eu beaucoup d’enfants. Plus d’un c’est le pluriel, dont nous dirons qu’ils en ont eu beaucoup. Alors ne vous inquiétez pas, aucun de mes deux parents ne m’a poussée à vouloir rester célibataire, sans enfant et sans attache. La cellule familiale et son fonctionnement a été mon premier modèle d’une vie en communauté, et je peux vous assurer que j’ai vécu heureuse et entourée par de nombreuses personnes de divers horizons. Ma mère a un sens très élargi de la famille. J’ai même un grand-frère congolais, c’est vous dire !
Pourtant, au-delà des modèles vus et vécus, il y a ceux ressentis. Le poids des décisions, mais aussi celui des actions. Chaque pas que fait un parent affecte son enfant, positivement ou négativement. Chaque décision prise pour soi ou pour le bien de la famille peut laisser de profondes cicatrices aux enfants, cicatrices dont il est possible qu’ils ignorent totalement l’existence jusqu’à leur mort. Ça aurait été mon cas si ce petit humain n’avait jamais élu domicile dans mon corps.
Mes parents ont fait des choix de vie qui ont parfois été difficiles, voire incompréhensibles pour moi. Pourtant je ne leur en veux pas. Ça n’a pas toujours été le cas. Ma mère m’a dit une fois, alors que nous regardions un film, « Un parent malheureux ne fait pas un enfant heureux. » Cette croyance est profondément ancrée en elle, tout comme le fait qu’où qu’il soit et quelle qu’ait été la gravité de la situation, un enfant retrouve toujours le chemin vers son parent. Mon histoire de vie lui a donné raison.
Evoluer dans la vie avec cet enseignement maternel m’a permis de comprendre mes parents. Ca n’a pas été le cas durant mes jeunes années mais aujourd’hui, avec la maturité et les expériences que j’ai eues, j’ai compris que nous sommes humains avant d’être quoi que ce soit d’autre. Mes parents sont humains, et ils avaient le droit, et même le devoir de définir ce qu’était le bonheur pour eux, tant individuellement qu’ensemble.
Ma venue au monde ou celle de mes frères ne fait pas d’eux des êtres qui auraient dû se laisser mourir pour nous laisser assez d’espace pour vivre. Il s’agissait de cohabitation et non d’assassinat au propre comme au figuré. Choisir son bonheur personnel fait mal à l’entourage immédiat d’une manière ou d’une autre, qu’on le veuille ou non. Mais mes parents avaient le droit d’être heureux et de parfois décider de se focaliser sur eux d’abord plutôt que sur nous.
Un parent malheureux ne fait pas un enfant heureux.
Je n’ai jamais été un enfant malheureux.
Nous nous plaignons très souvent que les parents cherchent à vivre leur vie par procuration. Ils veulent pour nous ce dont ils ont toujours rêvé pour eux-mêmes et qu’ils n’ont jamais pu avoir. Certains parents veulent que leurs enfants soient médecins parce qu’eux n’ont jamais eu accès aux études. D’autres sont très présents dans la vie de leurs enfants et pèsent chacune de leur décision au quotidien parce qu’ils ne veulent pas que leurs enfants fassent les mêmes erreurs qu’eux. Ce type de dysfonctionnement très lourd à vivre est souvent le seul mentionné lorsqu’il s’agit des relations parents-enfants. L’influence des parents sur les enfants.
Ce dont on parle peu c’est le jugement que nous portons sur nos parents. Un jugement très dur la plupart du temps. Nos parents doivent être parfaits. Ils sont nos premiers modèles, ceux qui nous ont faits, et ne doivent de ce fait avoir aucun défaut. Mon père aurait dû… Ma mère aurait dû… Nous réécrivons leur vie de nos propres stylos, n’hésitant parfois pas lorsque nous atteignons l’âge adulte à leur jeter au visage tous les manquements que nous avons notés. Leurs échecs, ou ce que nous considérons comme leurs échecs deviennent notre arme de combat contre eux, combat dont nous n’avons pas souvent conscience.
La vérité est que comme nous, nos parents ont une histoire personnelle. Des douleurs. Des blessures. Des traumatismes. De lourds poids qu’ils portent sur leurs épaules, un poids auquel s’ajoute celui de leurs décisions de vie. Ils ont aimé. Ils ont été déçus. Ils ont été influencés par l’histoire de leurs parents qui, dans les années 40-50-60 n’étaient pas forcément aussi appréciables qu’aujourd’hui. Ils ont vécu à une époque qui a forgé leur conception de la vie. Ils sont parfois plus attachés aux normes sociales que nous, et ils sont très souvent emprisonnés par une culture que nous, nous avons la liberté de minimiser et même de rejeter.
Nos parents sont des humains avant d’être nos parents. Ils ont vécu toute une vie avant notre arrivée, une vie dont nous ne savons parfois rien. Ils ont vécu après notre venue au monde des combats dont ils ne nous ont jamais rien dit. Ils ont pleuré dans leur lit la nuit après s’être assurés que nous étions confortablement installés dans le nôtre. Ils ont dit oui alors qu’ils ne rêvaient que de dire non et, surtout, ils ont eu moins de liberté que nous sur tous les plans.
Accepterions-nous d’être jugés par eux ? Accepterions-nous qu’ils nous évaluent selon les codes d’une société dans laquelle ils ont vécu et qui pour nous n’existe plus ? Alors pourquoi nombre d’entre nous sont-ils prêts à décider de la positivité ou de la négativité des choix de vie de nos parents alors que nos propres choix de vie sont défendus bec et ongles ?
Un parent malheureux ne fait pas un enfant heureux.
Je l’ai entendu de la bouche de ma mère, mais il m’a fallu plusieurs années pour comprendre la portée de cette phrase. Mes parents ont fait des choix qui ont eu des répercussions inqualifiables pour moi. Parallèlement, ils ont créé autour de moi un environnement qui me permet de faire mes propres choix et de prendre ma propre route. Me limiter à l’évaluation de leur vie c’est ne pas faire honneur à leurs efforts. Leur vie à eux n’a pas d’importance. Seuls comptent les armes qu’ils ont mis à ma disposition pour vivre la mienne.
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