Des podcasts qui donnent la chair de poule

11 minutes

Quand j’étais enfant, j’écoutais les films audios diffusés sur la chaîne de radio Africa N°1.

Je ne m’en lassais pas.

J’ai longtemps cherché à revivre ce suspense qui met tous mes sens en alerte, qui me pousse parfois à arrêter de bouger parce que j’attends la suite, des images folles défilant dans ma tête. J’ai toujours préféré cette sensation plutôt que celle qui m’amène à me limiter à l’imagination d’autres personnes qui m’imposent des supports visuels à travers la télévision.

J’ai retrouvé cette sensation grâce aux podcasts. Je ne parle pas ici de ces personnes qui racontent leur expérience professionnelle ou qui interviewent des gens afin qu’ils fassent de même. Vous savez tous que je suis accro à ce type de podcasts, mais ceux dont je parle sont un cran au-dessus. Ces podcasts me mettent au cœur de l’action, me permettent de la vivre, de la voir dans ma tête et de la graver dans ma mémoire. Il en existe plusieurs, mais je n’en présenterai que 4 : 2 séries et 2 podcasts dont les épisodes sont indépendants.

J’écoute des podcasts depuis des années, mais celui-ci a ma préférence, et de très loin. J’en ai parlé brièvement dans l’article Comment trouver des podcasts et où les écouter. Je le recommande à tout le monde. Je répète, tout le monde.

Je suis une amoureuse des médias. Je suis fascinée par la diffusion de la bonne information, par sa présentation des manières les plus originales qui soient. Rukmini a touché mon cœur avec Caliphate. Trêve de compliments, qu’est-ce que Caliphate ?

Caliphate est un podcast produit par le New York Times. Oui, le seul et unique. Il est d’une qualité supérieure non seulement à cause des moyens mis en jeu par le Times, mais aussi à cause de la particularité de la journaliste Rukmini Callimachi. Elle couvre l’état islamique, mais pas de la manière commune. Elle ne s’intéresse pas à leurs faits d’armes. Rukmini présente l’état islamique et Al Qaida de l’intérieur : quels sont les rouages de la machine, comment fonctionnent les membres, qu’est-ce qu’ils se disent entre eux, que pensent les populations qui ont été sous leur joug ?

La journaliste met sa vie en danger pour que nous cessions de nous limiter au nombre de morts lors des attentats. Qu’est-ce que l’état islamique est la question au centre de son travail. Caliphate est composé de 10 épisodes durant lesquels la journaliste et le collaborateur avec qui elle est allée sur le terrain retracent l’histoire d’un jeune homme qui se fait appeler Abu Huzaifa. L’ex membre de la secte terroriste qui est né et a vécu au Canada raconte entre autres comment il s’est laissé séduire par le discours extrémiste et son périple vers le Pakistan pour rejoindre le jihad.

A travers les trois voix, celles de Rukmini, son collaborateur et Abu, on vit le recrutement, le lavage de cerveau, la vie au sein des camps jihadistes (attribution des tâches, formation), mais aussi la peur et la fuite quasiment impossible. Rukmini nous amène à Toronto, à New York, au Pakistan, mais aussi en Irak. On vit la chute de Mossoul, on lit les documents administratifs de l’état islamique, on apprend leur mode de fonctionnement (ils reposent sur les institutions étatiques existantes, et sont parfois plus efficaces qu’elles en termes de services publics). On vit également la terreur, l’autarcie des peuples tenus prisonniers par l’état islamique, la machine de terreur mise en place, la peur qui habite Abu Huzaifa, sa fuite, mais aussi sa radicalisation dont il ne peut se débarrasser.

Caliphate est la série à écouter pour toute personne férue d’informations, mais aussi de série à suspense, car c’est ce que c’est. Une série à suspense. Je recommande vivement de l’accompagner par la lecture du livre Furie Divine de José Rodrigues dos Santos.

Pour en savoir davantage avant de vous lancer, lisez cet article de The Guardian sur le podcast.


Depuis que j’ai écouté Dr Death, j’ai une peur bleue de me faire opérer, même s’il ne s’agit que d’une opération mineure. J’ai découvert ce podcast dans les stories de Myleik Teele sur Instagram. Vous savez tous que je suis une fan inconditionnelle de Myleik et que je consomme quasiment tout le contenu qu’elle recommande. Cette fois encore, je n’ai pas été déçue.

Dr Death est produit par Wondery, qui attribue sa célébrité à ses « emotionally immersive podcasts ». C’est exactement ce qu’est Dr Death, un emotionally immersive podcast. Les 7 épisodes de la série retracent le parcours du Dr Christopher Duntsch, plus connu aux États-Unis sous le nom de… Dr Death ! Ce médecin a été un neurochirurgien de renom pendant un certain temps, une période qui lui a permis de commettre les pires atrocités, comme boucher avec une éponge un trou inutile percé dans le corps d’un patient. Ni vu ni connu une fois le corps recousu.

Dr Death a fait de nombreux dégâts, mais ce n’est pas la partie la plus effrayante de l’histoire. Quelle confiance avez-vous en votre médecin ? Je dois avouer que je leur fais une confiance aveugle une fois entre leurs mains. L’un d’entre eux a réussi à me faire avaler 14 comprimés par jour sans que je ne bronche. Mon estomac en souffrait atrocement, mais le médecin avait dit que…

Outre la confiance des patients envers Dr Death, l’impuissance de ses collègues fait froid dans le dos. Il était quasiment impossible de le dénoncer. L’appareil médical ne fonctionne pas comme une salle de classe où on dénonce le tricheur et ça en est fini de lui. Non. Dr Death était protégé par les règles des hôpitaux dans lesquels il travaillait, la loi dans une certaine mesure, mais aussi et surtout par le capitalisme. Qui qu’il soit et quels que soient ses manquements, un neurochirurgien rapporte des sommes colossales à son employeur, des sommes sur lesquelles il est difficile de cracher. Le business médical est présenté dans toute sa splendeur. Les patients ne sont pas des malades. Ils ne sont rien d’autre que des clients au porte-monnaie intéressant.


Au contraire des 2 premiers podcasts présentés, les épisodes de Wrongful Conviction sont indépendants. Chaque épisode couvre une histoire complète, ce qui ne rend pas la chose moins intéressante. Sur le site d’écoute Art19, le podcast est décrit de cette façon : « Based on the files of the lawyers who freed them, Wrongful Conviction features interviews with men and women who have spent decades in prison for crimes they did not commit – some of them had even been sentenced to death. These are their stories. »

Si vous vous intéressez un peu à l’histoire des minorités aux États-Unis, alors vous êtes sans doute informés des incarcérations de masse. Les Noirs, les Latinos et les pauvres (majoritairement Noirs et Latinos) se retrouvent très souvent en prison malgré leur innocence. Leur crime est d’être qui ils sont. Vous me direz que c’est très loin de nos réalités, je vous dirai que ce n’est pas le cas. La pauvreté et les origines ethniques sont chez nous aussi de réels problèmes lorsqu’il s’agit de justice. Beaucoup de gens sont emprisonnés injustement. Beaucoup de gens n’ont jamais été jugés et sont « oubliés » en prison. C’est réel chez nous aussi.

Ce qui est intéressant dans les histoires racontées c’est l’expérience des prisonniers : la peur lors de l’arrestation, l’incertitude de sortir de la garde-à-vue en vie, la persécution lors de l’interrogatoire, l’acceptation d’une sentence contre laquelle on ne peut absolument rien, l’abandon de l’espoir d’une vie normale. Pour la première fois, j’ai la possibilité d’entrer dans la tête de personnes injustement accusées. Que ressentent-elles ? Comment le vivent-elles ? Que pensent-elles ?

Le plus douloureux dans l’histoire des invités de Jason Flom c’est leur décalage avec le monde réel lorsqu’ils sortent de prison. Beaucoup d’entre eux ont été incarcérés avant la création d’internet. Je ne parlerai même pas des évolutions technologiques et des arts de vie. La réinsertion est difficile, parfois impossible. Les liens familiaux et amicaux sont très souvent coupés. Et ce n’est pas une réalité qu’aux États-Unis.


Vous avez dû le remarquer, je parle peu du contenu en français. Je dois avouer que je consomme nettement plus de contenu en anglais, pourtant il y a des perles en français, et Transfert en est une. Le podcast est réalisé par Slate, un média en ligne, et il est animé par Charlotte Pudlowsy, ex-rédactrice en chef chez Slate.fr.

Pour faire court, Transfert nous fait entrer dans l’intimité de personnes lambda. Qu’est-ce qui se passe lorsque votre identité est volée et que vous vous retrouvez accusé de crimes que vous n’avez pas commis ? Que signifie vraiment vivre avec une mère divorcée, dépressive et qui excelle dans l’art du chantage affectif ? Peut-on être amoureux de deux personnes en même temps ? Comment s’enfonce-t-on dans une relation qui ne marche pas ? Transfert permet d’écouter parler des gens qui ont vécu ces situations, des situations du quotidien qui semblent simples, mais qui sont bien plus complexes qu’on le pense lorsqu’on les entend d’acteurs directs.

Jusqu’ici, mon épisode préféré du podcast est L’histoire d’un secret qui a attendu 10 ans de mariage pour sortir. Un couple traverse une période de turbulences alors que le mari avoue qu’il a toujours voulu être une femme. L’épouse raconte sur Transfert son expérience de femme qui voit son mari changer, se maquiller, devenir quelqu’un de différent de celui qu’elle a connue. Elle est partagée entre le dégoût et l’affection. L’histoire est vraiment très touchante.

A la liste j’aurais ajouté le podcast français Mortel qui brise les mystères autour de la mort. Il m’a été recommandé par Françoise Moudouthe Kpeglo d’Eyala, mais je n’en suis qu’au second épisode. Je vous en parlerai une fois que j’aurai mieux exploré la chose.


La beauté de chacun des podcasts présentés est qu’outre le bon moment passé à l’écouter, il enseigne la tolérance. Marcher dans les chaussures de l’autre permet de comprendre sa condition et donc de ne plus la juger sous un prisme peu informé. Comment accepter qu’une femme reste avec un homme qui commence à mettre des jupes si on ne l’écoute pas raconter son histoire ? Nous sommes souvent très prompts à juger. Je suis souvent très prompte à donner mon avis. Un prisonnier est un criminel, mais le sont-ils tous ? Un médecin a-t-il forcément le sens de l’éthique ? Un terroriste est-il forcément méchant ? J’espère que vous prendrez le temps d’écouter au moins de ces podcasts, et si vous en connaissez d’autres qui vont sur la même lancée, partagez-les en commentaire.

Photo : Tookapic


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2 comments
  1. Il faudra que je finisse par comprendre pourquoi j’ai du mal à écouter du contenu qu’on me recommande. En tout cas, l’état islamique ça me parle. Merci Madame

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