Réalisations de merde, vie de merde !

12 minutes

Je suis fascinée par l’histoire de David Mustaine.

Mustaine est un des grands noms des genres musicaux que sont le Trash Metal, Heavy metal, Hard Rock et Speed Metal. Non, je n’écoute aucun de ces genres musicaux. Pourquoi je vous en parle ? Parce que comme je vous l’ai dit dans l’article Tourner le dos à sa réalité et voir plus loin, le monde ne se limite pas à notre petit univers personnel. De grandes choses se passent au-delà de ses frontières.

J’ai regardé au-delà et j’ai découvert David Mustaine.

La première fois que j’ai entendu parler de lui, c’était au cours de ma lecture du livre Ego Is The Enemy de Ryan Holiday. La deuxième est durant ma lecture actuelle dont je vous ai donné un bref aperçu ici, The Subtle Art of Not Giving A Fuck de Mark Manson.

Dans les années 80, David Mustaine faisait partie d’un groupe de Hard Rock. Après de nombreuses difficultés le groupe a décroché un contrat avec une maison de disque, ce qui ne semblait pas être simple pour les artistes Rock et Metal. Le lendemain de la signature du contrat et sans crier gare, les membres du groupe ont réveillé Mustaine le matin avec un ticket de bus sous le nez. Le message ? « Tu te casses du groupe. » C’était en 1983.

Mustaine n’a rien compris. Il n’avait pas été préparé et rien ne présageait cela. Éjecté du groupe alors qu’un contrat venait à peine d’être signé ! Il a pris le ticket et s’est barré, pleurant littéralement dans le bus. Il a été immédiatement remplacé par Kirk Hammet.

C’est à ce niveau que l’histoire devient intéressante. Les 2 auteurs que sont Holiday et Manson la prenne par 2 bouts différents, mais aussi éblouissants l’un que l’autre. Commençons par Ryan Holiday.

Dans son livre, Holiday se focalise sur l’ego, ainsi que la différence entre talent et apprentissage. David Mustaine était un guitariste très, très talentueux remplacé par un autre tout aussi talentueux. Rien de bien étrange à ce niveau. La grande différence entre Mustaine et Hammet est que David Mustaine semblait se contenter de son niveau tandis que Kirk Hammet, malgré son talent et ses aptitudes, avait conscience qu’il lui fallait toujours s’améliorer.

Malgré le succès du groupe après la signature de ce contrat, Kirk a embauché un professeur de musique pour se perfectionner. Vous vous souvenez de la théorie des 10 000 heures de Malcolm Gladwell dont je vous ai parlée ici ? Hammet semblait être la personnification de cette théorie dans le monde du Heavy Metal

Il n’avait pas d’ego au contraire de Mustaine et était toujours prêt à tout pour s’améliorer, être meilleur. Il était sa seule concurrence et ne s’intéressait qu’à une seule chose : jouer mieux qu’hier, se préparer pour être meilleur demain.

Hammet a fait de son talent et de son perfectionnement un chemin scientifique. Son instructeur, Joe Satriani, un autre grand nom de la musique, a déclaré ceci à propos de son élève (consigné dans le livre de Holiday) :

« The main thing with Kirk… was he was a really good guitar player when he walked in the door. he was already playing lead guitar… he was already shredding. He had a great right hand, he knew most of his chords, he just didn’t learn how to play in an environment where he learned all the names and how to connect everything together. »

David Mustaine et Kirk Hammet partageaient le talent, mais l’acharnement au travail pour se surpasser au quotidien faisait leur différence. David semblait être rempli d’un ego inconnu de Kirk. Pour Mustaine, faire partie d’un groupe très bon et très harmonieux à l’écoute qui a décroché un contrat semblait être la finalité. Sa conclusion semblait être l’introduction de Hammet.

Le bout de l’histoire pris par Mark Manson est tout aussi intéressant. David Mustaine est devenu un grand nom, une légende des genres musicaux cités précédemment. Lorsqu’il a été éjecté du groupe, il en a créé un autre. Il a passé des mois à recruter des membres et s’est perfectionné dans son art.

Dans le bus qui l’emmenait de Los Angeles à New York après avoir été chassé du groupe, après avoir pleuré sur son sort Mustaine s’est fait une promesse : il allait former un autre groupe et ils allaient être tellement célèbres, connus et reconnus que  son ancien groupe allait regretter sa décision.

Il a décroché un contrat quelques années après la formation de son groupe, et un an plus tard il a obtenu un disque d’or. Mustaine est une légende dans ses genres musicaux, un guitariste accompli. Son groupe Megadeth a vendu plus de 25 millions d’album et Mustaine est considéré comme un des musiciens les plus brillants et les plus influents dans le monde du Heavy Metal.

Malgré ce succès fulgurant et cette réputation, Mustaine se considère comme un raté. Malgré tous ses accomplissements, il n’a aucune valeur à ses propres yeux et en est très malheureux. Pourquoi ?

Parce que le groupe dont il a été chassé est le groupe de Heavy Metal le plus célèbre en ce bas monde : Metallica. Je n’écoute pas de Heavy Metal. Je n’avais jamais entendu parler de Megadeth, mais je peux vous assurer que j’ai entendu parler de Metallica. Et plus d’une fois. Metallica a vendu plus de 180 millions d’album. Je pense qu’on peut s’arrêter là en termes de comparaison. Si 25 millions d’albums vendus ont fait de Mustaine une légende, il est inutile de s’étendre sur les fruits récoltés par les membres de Metallica après plus de 180 millions d’albums vendus.


Peu d’entre nous sont des Kirk Hammet et nombre d’entre nous sommes des David Mustaine.

La force de Hammet est qu’il était sa propre compétition. Comme c’est le cas des chevaux lorsqu’on souhaite qu’ils restent concentrés sur la course, il s’était mis des œillères et se focalisait sur son couloir. La puissance de cette stratégie est qu’on ne se définit aucune limite. On n’a aucun baromètre.

L’absence de comparaison efface toute possibilité d’ego. Hammet ne semblait se sentir supérieur ou inférieur à personne, ce qui lui permettait d’aller vers les plus grands, ou même les plus petits, pour apprendre d’eux et demander de l’aide. Hammet a fait de lui-même un éternel apprenant. Il était aux yeux de la majorité l’un des plus grands, mais l’un des plus grands par rapport à qui ? Il n’y avait pas de « par rapport » dans sa réalité.

David Mustaine ne pouvait qu’être moins couronné de succès. Ayant fixé l’objectif selon lequel il lui fallait être plus célèbre ou talentueux que Metallica, il s’était créé un baromètre avec un seuil de talent. Il est difficile d’exploser un compteur quand le subconscient enregistre que personne ne l’a jamais fait. Personne n’avait jamais été plus célèbre que Metallica.

En décidant devoir être meilleur que Metallica, Mustaine a brisé sa propre carrière a ses propres yeux. Il s’est positionné en inférieur dans ce bus. Il aurait eu une réflexion différente (« Ils m’ont jeté mais je n’en reste pas moins un guitariste qui connait sa valeur ! ») qu’il aurait vu d’un meilleur œil ses propres accomplissements.


La question ici est How Do You Measure Your Life ?

Cette question est le titre d’un livre sur ma liste de lecture du second trimestre (listes de lecture disponibles ici).

How Do You Measure Your Life ?

Mustaine est un raté à ses propres yeux malgré le fait d’être une légende de ses genres musicaux. Et il a décidé d’être un raté par rapport à un groupe qui ne s’attarde pas sur ses accomplissements à lui et qui a fait du chemin entre 1983 et 2020.  En gros ? Metallica ne s’attarde pas sur le cas de Megadeth, pourtant le leader de Megadeth ne jure que par le cheminement de Metallica.

C’est triste à dire mais si Mustaine se voit comme un raté, alors il considère certainement les membres de Megadeth comme des ratés. Malgré leur travail acharné. Malgré les milliers de bons moments ensemble. Malgré les tournées. Malgré les prix. Malgré les fortunes amassées. Malgré les millions de fans rassemblé. 

Mustaine ne reconnait pas le travail de Megadeth. Il préfère se détourner d’eux et admirer tristement celui de Metallica. Qui n’a pas leur temps.


Je discutais hier avec une personne qui m’est très chère. Elle partageait avec moi ses doutes et sa peur de ne pas accomplir ci ou ça. A mes yeux cette personne a réalisé bien plus que je n’aurais pu imaginer en 32 ans de vie. Elle est un de mes modèles, une des personnes vers qui je me tourne pour puiser de la force.

Après m’avoir confié ses peurs, la personne a dit en rigolant quelque chose qui relève à mon avis de la boutade : Neymar gagne des milliards par mois.

Megadeth et Metallica.

A chacun sa réalité. 

A chacun sa vie.

A chacun son parcours.

A chacun ses efforts.

A chacun son succès.

En quoi est-ce que l’attitude de Mustaine est différente de la nôtre lorsqu’on passe des journées à défiler sur notre fil Facebook, décidant que le mariage de tel est plus solide que le nôtre. Que l’avancée professionnelle de tel est plus belle que la nôtre. Que les enfants de tel ont une meilleure éducation, un meilleur swagg que les nôtres.

En quoi ?

Mustaine vit misérablement tout en étant légende, exactement comme nous vivons misérablement en décidant de faire fi de notre cheminement, de nos accomplissements et tous ceux qui nous ont portés jusque-là.

J’ai eu un épisode pareil il y a quelques semaines.

J’étais au plus bas, me demandant ce que je foutais de ma vie. Alors je suis allée traîner sur LinkedIn, certainement pour m’enfoncer davantage. Je suis tombée sur la publication d’un mec avec qui j’étais à l’université. La chose qui m’est revenue en tête lorsque j’ai appris à travers sa publication qu’il était à la tête d’un… je ne dirais pas département parce que je ne sais pas comment Amazon a organisé sa hiérarchie. Je dirais qu’il est à la tête d’un truc colossal chez Amazon aux Etats-Unis, un truc qui a trait à l’intelligence artificielle.

J’ai pensé à nous, assis chez la vendeuse de beignets au fin fond de Buea. 

Nous étions environ 8 ou 9 à traîner ensemble, et je nous ai tous revus assis là. Chez la vendeuse de beignets.

J’étais contente pour lui. Mais vraiment. Je savais à quel point il avait travaillé pour arriver à ce niveau, et surtout les opportunités qu’il s’était créées. Mais le petit ver qui fait son bonhomme de chemin dans nos cerveaux ne peut pas toujours être arrêté. « Donc ça signifie que moi je n’ai rien fait depuis là ?? »

Aujourd’hui je ne sais rien de la vie de ce mec. Je ne sais s’il est heureux. Je ne sais s’il est passionné par son boulot. Je ne sais s’il est amoureux. Je ne sais s’il est resté en contact avec sa famille. Je ne sais s’il a des amis fidèles et loyaux.

Dans le même temps je sais qui je suis. Je sais ce que je vaux. Je sais être bien entourée. Je sais avoir une famille aussi délurée que soudée. Je sais vivre avec le meilleur cheer-leader au monde. Je sais avoir un petit humain qui a explosé le baromètre de la capacité à être adorable. Je sais avoir un don pour l’écriture. Je sais avoir le boulot le plus chill au monde.

Malgré tout, pendant une fraction de seconde j’ai opposé la pseudo réalité de ce mec dont je ne sais plus rien aujourd’hui à la mienne pour laquelle je remercie le Ciel, la Nature et la Providence tous les soirs au coucher. Pendant cette fraction de seconde je me suis dit que toutes mes certitudes ne valaient rien face à ces incertitudes couronnées d’un « cadre chez Amazon aux États-Unis. »

David Mustaine et Kirk Hammet.

Megadeth et Metallica.

Photo : Karabo Lengwadi


PS : peu de gens le savent, mais il est possible de surligner des passages des articles, comme c’est le cas sur Medium. Ce serait bien d’utiliser cette fonctionnalité pour que je sache quelles sont les parties du texte qui ont retenu votre attention. Et puis, il faut bien que mon argent serve à quelque chose puisque j’ai payé pour cette fonctionnalité !


Digressions n’a aucun compte sur les réseaux sociaux, une situation qui n’est pas près de changer. Pour vous tenir informés des activités ici, abonnez-vous au blog, tout simplement. 

Je suis disponible par mail à l’adresse mesdigressions@gmail.com et sur Instagram à @c_befoune.

Retrouvez-moi également sur mon podcast Les Papotages de C.

19 comments
  1. Tres bel article
    Je devrais lire cet article la prochaine fois que je serai assaillie par mes doutes.
    J’ai pris la mauvaise habitude, car enfin je sais que c’en est une mauvaise, de toujours comparer tout de moi aux autres. Je le fais souvent, bien trop souvent et je ne finis que plus déprimée qu’au départ. J’oublie que les autres sont différents, qu’on a des expériences différentes, des vies différentes,…
    J’espère qu’à partir d’aujourd’hui, je saurai mieux me valoriser. Merci beaucoup Befoune

  2. Hi @Befoune

    Partage édifiant, merci. Le Heavy Metal, c’est comme une autre galaxie pour moi, donc j’ai beaucoup appris.

    “En décidant devoir être meilleur que Metallica, Mustaine a brisé sa propre carrière a ses propres yeux. Il s’est positionné en inférieur dans ce bus. Il aurait eu une réflexion différente (« Ils m’ont jeté mais je n’en reste pas moins un guitariste qui connait sa valeur ! ») qu’il aurait vu d’un meilleur œil ses propres accomplissements.” Triste réalité. Réalité de plus en plus présente, accentuée probablement par les Réseaux Sociaux, la Télé, etc.

    Mustaine semble s’être autoflagellé au point de pas (suffisamment) voir ses acquis, ses prouesses dans l’absolu; puisque ses prouesses étaient toujours comparées à celles de son ancien groupe.

    Comme tu l’as dit à chacun sa réalité.

    Vraiment, à chacun couloir, à chacun son rythme.
    La vie est tellement multidimensionnelle que perdre du temps pour se comparer au “succès” apparent des autres dans un couloir/ domaine donné est improductif.

    Ah! Quand tu parles de LinkedIn! Bref!

    C’est mieux de prendre acte, de se réjouir du “succès” +/- apparent, du “succès” +/- réel des autres, sans pour autant voir systématiquement le verre à moitié vide quand il s’agit de soi, comme l’a fait Mustaigne.

    L’usage que nous faisons des Réseaux Sociaux facilite, institutionnalise, normalise, multiplie parfois – consciemment ou inconsciemment – les comparaisons. Comparaisons inutiles (et sur des bases questionnables) dont on devra tôt ou tard mesurer les impacts négatifs sur le mental de plusieurs.

    Chacun son couloir, Chacun ses réalités, Chacun son rythme.
    Le plus important n’est il pas de devenir meilleur que je ne l’étais hier? De me réjouir de chacune de mes (petites) victoires? D’accepter le fait que même si j’ai des “modèles”, des objectifs élevés, je dois rester concentré sur ma propre “course”? Course au sens de trajectoire, pas au sens de compétition avec d’autres.

    Thanks once more @Befoune

    1. “Chacun son couloir, Chacun ses réalités, Chacun son rythme.
      Le plus important n’est il pas de devenir meilleur que je ne l’étais hier? De me réjouir de chacune de mes (petites) victoires? D’accepter le fait que même si j’ai des « modèles », des objectifs élevés, je dois rester concentré sur ma propre « course »? Course au sens de trajectoire, pas au sens de compétition avec d’autres. ”

      C’est exactement le message Menadus. C’est exactement ça.

  3. Merci pour vos écrits qui apportent toujours un plus à ma vie. Actuellement vous êtes la personne que je lis le plus donc mon blogger préféré😊 Puisse l’inspiration soit éternellement🙏

      1. Ça doit être mon plus gros problème dans la vie. On me répète souvent qu’il faut arrêter de se mettre une pression inutile avec ces comparaisons, et je veux bien le croire. Mais le plus difficile pour moi reste de mettre les œillères…
        Merci pour cet écrit plein de bon sens

        1. L’envie de regarder à gauche et à droite restera grande. Ma parade est de suivre moins de gens sur les réseaux sociaux (je suis des comptes qui me sont utiles, et j’insiste sur cet adjectif) et d’y passer moins de temps également.

  4. Merci @Befoune, merci vraiment pour ton esprit connecté constamment positif. Le plus important est d’être la meilleure version de nous-même chaque jour de la vie. Même quand on est sous un gros nuage noir, c’est d’avoir la convection que la force d’un vent l’éloignera de par dessus notre tête.

  5. C’est drole c’est ce qui m’est exactement arrivé hier avec mon ex. On se parlait puis il m’a appris pour son travail en Allemagne et je me suis sentie pareil. Genre je suis celle qui sa vie fait du surplace… alors que je ne connais rien de ses réalités. Merci beaucoup pour le rappel

    1. Tu ne connais effectivement rien de ses réalité… la tienne au moins non seulement tu la connais, mais tu as le contrôle sur elle.

      1. “Tu ne connais effectivement rien de ses réalité… la tienne au moins non seulement tu la connais, mais tu as le contrôle sur elle.” Très pertinent 👌🏾👌🏾👌🏾

  6. Merci beaucoup Befoune. Je suis victime de cette histoire de comparaison.
    Mais à présent, je me rappellerai de ces écrits si édifiants
    Merci beaucoup.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *