J’ai appris à être fière de l’âge que j’ai.
Vie d’adulte
What I love is to bleed words. I love when they hurt, when the pain is unbearable, when I can’t hold them back anymore, when my hands itch because they want to ease my pain. I love vomiting words, I love vomiting my reality to the point of abdominal pain. I love my words to be a part of me I carried for a while and then give birth to.
Les hommes de 35 ans et plus ont du mal à trouver femme sous nos cieux.
Je ne me permettrai jamais une déclaration pareille. Je ne suis pas un homme et je n’ai pas de statistiques sur lesquelles m’appuyer. Pourtant c’est avec attention que j’ai lu l’article de Jean-Pierre Boep dont c’est le point central. Cet article est intitulé Au secours j’ai 35 ans et je ne trouve pas de femme à épouser.
Les arguments partagés par Jean-Pierre sont intéressants, notamment le volet sur les difficultés financières. Bien qu’il soit l’une des causes les plus évidentes de probable célibat, je ne m’étendrai pas dessus. Deux autres éléments partagés dans l’article bien plus intéressants pour mon petit cerveau ont toute mon attention : l’influence des réseaux sociaux sur les choix des partenaires et le féminisme comme obstacle à une vie de couple épanouie.
Oui, c’est de cela que je souhaite parler aujourd’hui.
Lorsque j’ai lu la partie de l’article de Jean-Pierre sur les réseaux sociaux, 2 hashtags me sont immédiatement venus à l’esprit : #BlackLove et #BlackCoupleGoal. Nombre de nos sœurs et frères utilisent ces hashtags, symbole d’un amour Noir, fier, et tendance. Oui, parce que les #BlackCouples c’est tout un art de vie : riche (en apparence), stylé, qui donne envie.
Je traîne beaucoup sur Twitter bien que je n’y sois plus vraiment active. Y traîner me permet de prendre le pouls des conversations actuelles. Sur les Twitter africains (Twitter 237, Wolofie, 9ja…) nous avons effectivement de plus en plus de #BlackCoupleGoal et de #BlackLove.
Je comprends Jean-Pierre lorsqu’il dit que les réseaux sociaux sont au final un frein aux relations de couple parce que si le conjoint ou la conjointe doit absolument correspondre aux critères de formation d’un #BlackCouple, s’il faut absolument qu’il inspire le #BlackLove, (au niveau du physique, du style et des artifices uniquement car à partir d’une photo on ne sait qui est gentil et qui est chiant) alors nous sommes mal barrés, et les hommes de 35 ans et plus avec.
Avant de poursuivre, je souhaite remettre la balle au centre. Je ne voudrais pas que nous plongions dans une discussion sans planter le décor.
Lorsque j’ai parlé de mes lectures du premier trimestre (j’ai lu 15 livres, vous pouvez applaudir encore une fois), beaucoup d’entre vous ont relevé le fait que je me sois documentée de manière extensive sur la condition des Noirs américains.
C’est effectivement le cas.
Je l’ai fait pour 2 raisons. J’étais de ceux qui pensent que les Noirs américains ont une part de responsabilité dans le traitement qui leur est infligé. Je ne pouvais me limiter à partager ce point de vue sans preuves concrètes et sans arguments tangibles. Alors je suis retournée à la genèse de leur histoire et je l’ai parcourue jusqu’à l’époque contemporaine. Conclusion ? Leur part de responsabilité est très faible. Par la grâce du Ciel j’ai lu avant de me prononcer en public !
Je me suis également documentée sur la condition des Noirs américains car j’étais de ceux qui pensent que bien que nous soyons tous Noirs, leur réalité est aux antipodes de la nôtre. En gros, nous n’avons pas vraiment les mêmes problèmes, alors nous ne pouvons nous, Africains, nous identifier aux mouvements Noirs américains. Mes lectures m’ont confortée dans cette idée. Je n’avais pas tort.
Revenons donc aux hashtags #BlackCoupleGoal et #BlackCoupleLove qui sont à la base des hashtags américains. Je tiens tout d’abord à préciser que sous nos cieux nous sommes tous noirs, alors il est plutôt malvenu de revendiquer une quelconque noirceur, quelle que soit la situation. Ensuite, ces hashtags ne s’insèrent pas dans notre réalité, quelle que soit la manière dont on décide de la concevoir.
Les Noirs américains ont quelque chose à prouver aux Blancs. Depuis le premier contact, ils sont considérés comme des sous hommes. Depuis l’abolition de l’esclavage ils se battent pour avoir une certaine considération sociale, d’où ces mouvements ancestraux aujourd’hui à l’origine de nombreux hashtags.
En ce qui concerne tout ce qui a trait à l’amour, au couple et à ce qu’on appelle la hype, les raisons sont très simples. Commençons par la hype. Il est généralement rare qu’un Noir américain (de sexe masculin ou féminin) qui réussit financièrement soit intégré dans le cercle des « riches » car il est difficilement considéré comme riche. Pour rabattre le caquet aux Blancs, prouver leur richesse et leur accès à certains indicateurs de niveau de vie, certains Noirs ont besoin d’afficher des vêtements et des accessoires considérés comme chers.
Pour ce qui est de l’amour, l’histoire populaire voudrait qu’un Noir (de sexe féminin ou masculin) qui réussit épouse un Blanc (de sexe féminin ou masculin). Beaucoup pensent que ces mariages volent à la communauté noire leurs élites car elles se détourneraient de leurs racines pour être acceptées par l’ancien (est-ce vraiment ancien ?) maître.
Alors #BlackCoupleGoal et #BlackLove sont des revendications sociales d’une communauté qui souhaite s’affirmer tant aux yeux des siens que des autres (Blancs), qui a besoin de prouver qu’un Noir peut réussir (d’où les fringues luxueuses), ne pas se détourner de sa communauté (d’où le Black Love) et en être fier (d’où le mouvement qui a donné naissance aux différents hashtags).
Alors j’ai une question : savez-vous exactement ce que vous décidez de représenter lorsque vous plongez dans un mouvement en adoptant ses hashtags ou alors vous le faites juste parce que ça semble cool ?
Tout ceci me rappelle la photo de ce jeune homme sur la terrasse d’un immeuble à Bonanjo (quartier chic) à Douala, photo sur laquelle il était très bien mis et très souriant postée sur Instagram avec le hashtag #BlackLivesMatter.
Jusqu’à aujourd’hui je ne comprends pas ce qui s’est passé.
Ce qui m’attriste tant dans le texte de Jean-Pierre que dans cette dictature des réseaux sociaux est que les gens qui se définissent et définissent leurs objectifs à partir de hashtags qui ne les concernent pas mènent des combats aussi chronophages que vains.
Une jeune femme dont l’idéal relationnel est le #BlackLove se limite à ce qu’elle voit sur les photos publiées : des Noirs, des sourires, des pauses parfois aguicheuses, et un certain style (lire staïle). Elle enviera ces personnes et souhaitera elle aussi être enviée. Alors elle se lancera dans la recherche effrénée du compagnon staïle qui lui permettra à elle aussi de revendiquer son #BlackLove au fin fond de Yaoundé… où tout le monde est noir et tout le monde s’accepte comme tel.
Et c’est ainsi que Jean-Pierre et nombre de ses compères sont à peine regardés, pourtant…
N’oublions pas que Jean-Pierre a également parlé du féminisme comme obstacle à la possibilité d’une vie de couple épanouie. Les féministes qui liront ce texte fronceront certainement les sourcils à ce niveau. Je ne suis pas féministe, mais ce n’est pas la raison pour laquelle je comprends Jean-Pierre à ce niveau et pour laquelle je suis d’accord avec lui.
Sous nos cieux il y a féminisme et féminisme. Il y a le féminisme proprement dit, le combat pour une valorisation de la dignité et des droits de la femme, et il y a ce qui est compris du féminisme par ceux et celles qui refusent de se documenter mais qui ont décidé de l’adopter.
Je me suis rendue compte après la venue du petit humain que de nombreuses personnes pensaient que j’étais féministe, mais ça n’avait rien à voir avec mes combats. Ils le pensaient parce que je ne voulais pas avoir d’enfant, mais surtout parce que je l’avais déclaré publiquement. Le summum du féminisme à leurs yeux. Une de ces personnes m’a dit que j’ai trahi le mouvement parce qu’à présent je vis en couple et j’ai un enfant.
J’ai sursauté.
La féministe semble être la femme qui vit seule, sans compagnon (je ne sais si les compagnes sont acceptées dans ce cas) et qui n’a pas d’enfant parce qu’elle revendique… je ne vois pas ce qu’on peut revendiquer en décidant de s’isoler de la sorte. Je comprends qu’on puisse vivre seule, célibataire et sans enfant parce que c’est un art de vie. C’était le mien et je l’ai adoré. Par contre je ne vois pas très bien à quel niveau sont liés solitude forcée (et parfois frustration extrême) et féminisme.
Pour beaucoup de femmes sous nos cieux, la féministe c’est la femme au caractère dur, limite froide et frigide qui n’a pas besoin d’homme dans sa vie et a plus ou moins réussi financièrement. Ça c’est chez les hardcore.
Chez ceux qui sont un peu plus soft, la féministe c’est la femme qui se marie quand même mais qui ne fait pas le ménage, ne fait pas la cuisine, ne fait pas la lessive, sort tard le soir et se moque de toutes ses copines qui ne font pas pareil. Si elle a pitié de son compagnon (je me demande comment ça se passe lorsqu’il s’agit de 2 femmes en couple!), elle fait le ménage s’il fait la lessive et fait la cuisine s’il donne le bain aux enfants. En gros les tâches sont comptabilisées et celui qui en a une de plus que l’autre perd toute dignité.
Que dire ?
Faut-il expliquer une fois de plus ce qu’est le fonctionnement d’un couple ? Faut-il se tatouer la véritable définition du féminisme sur le front ? Faut-il avoir des livres sur le féminisme au programme des maternelles pour s’assurer que ce type d’incongruités ne gâche pas la vie des futures générations étant donné que bon nombre des nôtres sont aujourd’hui sans espoir ?
Je ne sais si vous avez lu l’interview de Rachel-Diane Cusiac-Barr sur Eyala. Dans la première partie de l’interview (il y en a 3 et elle est disponible en français et anglais), Rachel Diane dit ceci :
« Quand j’ai décidé de faire une pause dans ma carrière pour m’occuper de mes enfants, j’ai entendu beaucoup de critiques et j’ai lu beaucoup d’articles qui laissaient entendre ce n’est pas le choix que ferait une bonne féministe. J’étais confuse. En tant que féministe, je me suis sentie jugée par le mouvement auquel je pensais appartenir. »
La féministe ne peut pas être femme/mère au foyer, sinon elle n’a pas compris la vie. La féministe ne peut pas faire passer ses enfants avant elle-même sinon elle trahit le mouvement. La féministe ne peut considérer son époux/compagnon comme le chef de famille et ne peut faire de lui le principal bread winner sinon elle perd sa dignité et son passe d’entrée dans la très sélect boîte de nuit des féministes.
Le plus beau ce sont celles qui pratiquent le féminisme de l’asservissement. Elles vivent dans le fantasme d’un passé glorieux où les femmes dirigeaient d’une main de fer les grands groupes africains, allaient au combat et gagnaient des guerres. Dans leur réalité le seul moyen de remettre de l’ordre dans la société c’est d’asservir les hommes et donc les époux et les compagnons qui doivent obéir au doigt et à l’œil.
Je suis fan. Littéralement. C’est pour moi un orgasme cérébral que d’observer comment l’éloignement d’un concept aussi simple que le féminisme peut scléroser autant de cerveaux et détruire autant de vies. C’est fascinant.
On peut aimer ou détester l’article de Jean-Pierre. J’ai trouvé très intéressant qu’un homme partage les limites rencontrées dans le cadre du mariage. Les femmes sont très souvent celles qui s’étendent sur le sujet. Elles sont également celles qui (sup)portent des qualificatifs disgracieux tels que « vieilles filles » lorsqu’elles ne trouvent pas chaussure à leur pied.
Un homme qui en parle, non seulement ça change, mais en plus ça ouvre de beaux axes de réflexion.
Photo : Jessica Lewis
PS : peu de gens le savent, mais il est possible de surligner des passages des articles, comme c’est le cas sur Medium. Ce serait bien d’utiliser cette fonctionnalité pour que je sache quelles sont les parties du texte qui ont retenu votre attention. Et puis, il faut bien que mon argent serve à quelque chose puisque j’ai payé pour cette fonctionnalité !
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